Nées en 2011, unies par leur goût pour la littérature, les Liseuses de Bordeaux explorent l’actualité littéraire, commentent les livres et rencontrent les auteurs. Coups de cœur ou coups de griffe, elles réagissent et partagent leurs avis sur ce blog, avec vous.
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ISABELLE D. : Je lis au fil du hasard. Je lis des livres prêtés par mes amis et par les Liseuses, de rares livres achetés en librairie, et des livres reçus en cadeau. J’ai beaucoup lu aussi en tant que jury de prix pour Lire en Poche, Le livre jeunesse Cultura, le Prix France Québec. Je lis également de nombreux livres dénichés dans les «boites à livres» de Bordeaux, de Cenon, de villages d’Ariège, d’Ardèche ou de Provence, au fil des randonnées. Les boites à livres sont des îles aux trésors où je me laisse surprendre : j’y trouve souvent exactement ce que je n’y cherchais pas, à cet endroit-là, ce jour-là.
Je lis pour comprendre (Kukum de Michel Jean sur l’histoire des autochtones du Québec), pour oublier (un bon polar de la collection Rivages noirs), pour me perdre dans la vie des autres (Americanah de Chimamanda Ngozi Adichie), pour pleurer et pour rire (Le Dernier Rêve de la raison de Dmitri Lipskerov, excellent). Je lis parce que c’est vital ! Avec les Liseuses, j’aime particulièrement les rencontres autour d’un livre en commun. En 2020, L’art de la joie de Goliarda Sapienza a été l’occasion d’échanger nos impressions de lecture, et ainsi d’apprendre des autres et d’affiner notre regard. Ce qui lie les Liseuses de Bordeaux, me semble-t-il, ce sont aussi leurs différences. Elles sont fortes, elles sont enrichissantes.
Dans l’écriture aussi, c’est le partage que je préfère. En écrivant avec un ami sur Sérotonine de Houellebecq ou en interviewant le dessinateur Alfred avec Babeth, je vois l’occasion de préciser ma pensée et ainsi d’être plus juste. Et de m’amuser davantage.
Les posts d’Isabelle sont ici
ISABELLE G., alias BABETH : Je prends toujours un livre avec l’envie qu’il me transporte, qu’il m’entraîne ailleurs mais pour au final reposer les pieds sur terre avec une richesse supplémentaire. Chaque livre est une façon d’avancer. Le lien qui me relie aux Liseuses de Bordeaux n’est pas de l’amitié. C’est de la sororité. Si je me lance dans un projet de lecture, de rencontre avec un auteur, je peux toujours compter sur les Liseuses. Cette solidarité est notre force et la raison de notre longévité. J’aime regarder le chemin parcouru depuis dix ans, j’ai un autre regard sur la littérature grâce à leurs conseils. Elles m’ont fait découvrir la littérature américaine (le choc à la lecture de My absolute darling de Gabriel Tallent, le plaisir de lire Pete Fromm ) et les polars nordiques. De mon côté, je leur ai fait découvrir des auteurs classés en jeunesse ou des romanciers comme Amandine Dhée ou Pierre Raufast. A la différence d’un journaliste, nous choisissons les auteurs que nous mettons en exergue, que ce soit pour animer une rencontre ou pour écrire un post sur le blog. Nous ne sommes pas sous influence mais libres de nos décisions ! Et c’est cette liberté qui me plaît chez les Liseuses de Bordeaux. Les posts de Babeth/Isa G. sont ici
MARIE-FRANCE : Mon rapport à la lecture? Il fut longtemps addictif. J’ai empilé les histoires avec gourmandise, comme autant de sources d’évasion.
La lecture, c’est un alunissage aux quatre coins de la terre, l’émergence d’un univers à des années-lumière de mon quotidien. Mais inversement, c’est aussi la mise en évidence de l’étrangeté du quotidien. A cet égard, les romans anglo-saxons ont été et restent encore mes préférés. Leur puissance narrative, leurs constructions romanesques m’ont souvent tenue en haleine.
La lecture, c’est aussi de subtiles rencontres : celle d’un mot, d’une expression, d’un passage, bref d’un texte dont la justesse me frappe et me fait revenir sur lui. Un retour à quelque chose d’oublié, d’enfoui en moi. S’instaurent alors des correspondances troublantes que seule, l’intuition peut saisir et qui font de la lecture un pur ravissement. Des noms me viennent : Proust, Virginia Woolf, Nathalie Sarraute et bien d’autres encore…
Bref, en ce qu’elle nourrit et structure mon imaginaire et sait me renvoyer à la connaissance de moi et des autres, la lecture est et restera un des pivots magiques de mon existence. Ne parlons pas de la rencontre avec l’écriture qui l’éclaire d’un nouveau jour et la complète. Mais ceci est une autre histoire… Les posts de Marie-France sont ici
ÉDITH : Outre nos rencontres toujours riches d’échanges et de bonne humeur, les Liseuses m’ont permis d’ouvrir l’horizon de mes lectures. Avant, je me contentais des conseils de mon entourage ou d’articles de magazines. J’achetais tous les livres des auteurs que j’aimais (ce que je fais toujours !), rien de plus. Mais grâce aux Liseuses je me suis ouverte entre autres à la littérature américaine ou à des lectures plus féminines. J’ai été également plus exigeante dans mes choix. De mes articles, je me souviens par exemple de L’oiseau du bon Dieu de James McBride. J’avais beaucoup aimé ce livre racontant l’histoire d’un abolitionniste mystique à la tête d’une petite armée loufoque. Je viens de m’y replonger car une série adaptée du livre est sortie à l’automne. Je me souviens également du livre très touchant de Philippe Besson Arrête avec tes mensonges. Le fait d’avoir partagé nos impressions avec Babeth a été très enrichissant et permet d’aller plus loin dans l’analyse de la lecture.
Ce qui m’impressionne chez les Liseuses, c’est la façon dont elles ont évolué. Au départ, nous n’étions qu’un petit groupe passionné qui se réunissait pour parler des livres que l’on avait envie de partager. Aujourd’hui c’est une association et certaines des Liseuses interviennent dans les salons, font des interviews, organisent des lectures publiques… Je les remercie d’ailleurs de ne pas mettre de coté celles qui en font moins et dont je fais partie. Les posts d’Édith sont ici
VÉRONIQUE : Me voici donc intronisée liseuse ! « Liseuse » me fait penser au coupe papier, à la petite laine que nos grands-mères se mettaient sur les épaules pour être au chaud quand elles s’immobilisaient pour la lecture et même au couvre livre dont on protégeait le livre à lire. Bref, ce mot m’évoque d’abord le lieu retranché et intime dans lequel j’ai plaisir à être pour lire. «Liseuse» moins appliqué et solennel que «lectrice» me fait penser aussi à un artisanat, comme relieuse ou fileuse et ça me plaît bien. Donc avec cette matière qu’est la littérature sous toutes ses formes, je modèle, façonne mon imaginaire et ma pensée à partir des mondes révélés par leurs créateurs et créatrices mais surtout j’entre en contact avec d’autres réalités que les miennes, qui peuvent s’incarner dans les gens que je rencontre. Car c’est là pour moi le vrai pouvoir de la littérature : organiser la rencontre dans l’œuvre mais aussi dans la vie réelle.
Mon activité de liseuse ou plutôt ma nature de liseuse, car « je suis tombée très tôt dans la marmite » m’envoie tous azimuts, dans tous les genres et sur tous les continents. Bien sûr il y a des auteurs que je suis plus que d’autres : Mario Vargas Llosa, Emmanuel Carrère, Marie-Hélène Lafon, Laurent Mauvignier, Tanguy Viel, Philippe Jeanada, Alice Ferney, Pierre Michon ou Pierre Bergougnioux ou à une autre époque, Michel Tournier. J’aime aussi relire, les « classiques », comme on dit, et c’est mon plaisir de l’été, mais aussi certains contemporains, comme leurs prédécesseurs lus trop tôt ou trop vite. Enfin, j’attends d’eux qu’ils m’émeuvent mais aussi qu’ils me dérangent et qu’ils m’enseignent.
Pour prolonger ce plaisir solitaire, il y a l’échange avec d’autres liseuses (ou d’autres liseurs), espace d’expression libre et occasion d’élargir ma propre lecture et parfois de la questionner et bien sûr l’écriture de posts qui force, comme un foret, à aller plus profond, qui exige de présenter des preuves pour justifier un sentiment, une impression, un goût ou un dégoût. Lire est donc toujours pour moi une attente impatiente et je souscris à cette phrase d’Italo Calvino : « Lire c’est aller à la rencontre d’une chose qui va exister ». Les posts de Véronique sont ici
FRANCE : Lire, c’est aller à la rencontre de l’autre et de soi, simultanément. C’est l’une des magies de la lecture.
Lire fait surgir le sens, de ceux entraperçus puis échappés ou sur lesquels on n’aurait pas mis la main tout seul mais qui pourtant d’emblée résonnent. C’est se plonger dans l’existence au singulier et au pluriel, l’existence humaine, trouver en soi ce que l’on pensait ne pas contenir de perceptions, d’intuitions, de sensibilité… Lire, c’est dépasser ce que l’on croyait être une limite entre l’autre et soi, l’étranger et le familier, élargir ou prolonger notre vision du monde, on ne sait plus. C’est ce qui fait de la lecture pour moi une richesse inépuisable et une activité essentielle à laquelle j’ai besoin de consacrer du temps.
Alors, pouvoir écrire sur ce que l’on a lu, vu, senti, essayer de mieux se l’expliquer à soi déjà, quelle chance ! Ecrire sur ce que l’on a aimé, ce qui nous a touché, captivé, bluffé, c’est encore augmenter notre capacité de perception en se fixant l’objectif de la rendre plus nette pour qu’elle soit communicable et fidèle. C’est ce que me permettent de faire les Liseuses, la première chance. La deuxième est l’échange, le partage qui étend encore l’horizon…
Les Liseuses de Bordeaux se sont rencontrées en 2011. Depuis, certaines sont parties vers de nouvelles aventures. Leurs articles sont toujours en ligne.