Taormine, de Yves Ravey

Les éditions de Minuit sont une maison d’auteurs de haute tenue depuis sa création qui agrège toute une fraternité d’auteurs, parmi les plus contemporains : Jean Echenoz, Jean-Philippe Toussaint, Tanguy Viel, Laurent Mauvignier et bien sûr Yves Ravey. Elle nous propose en cette rentrée 2022 la lecture de Taormine, nom d’une ville touristique sur la côte est de la Sicile.

L’histoire est simple, aussi simple que l’univers mental qu’elle met en place est complexe. Melvil et Luisa sont mariés et en crise. Ils décident, pour aider à la reconstruction de leur couple de passer des vacances en Sicile. Dès la deuxième page, le récit à peine entamé prend une tangente.

Oui, ai-je ajouté, on peut appeler cela de la déception. C’était comme si nous avions manqué quelque chose, comme si, prenant cette bifurcation sur l’autoroute, nous n’avions pas, façon de parler, excuse-moi, Luisa, frappé à la bonne porte.

L’instrument de cette navigation touristique est naturellement la voiture louée à l’aéroport pour la durée du séjour. La voiture, lieu clos, lieu de l’intimité et en même temps lieu empêché de l’échange où les regards ne peuvent se croiser est aussi celui du danger et c’est en effet par elle que l’histoire va naître.

Lire la suite »

Quand le requin dort, de Milena Agus

C’est un de ces courts romans dans lesquels tient tout un monde : dans la Sardaigne d’aujourd’hui, une jeune fille et sa famille un peu fêlée : tante et ses fiancés, frère, père et ses maîtresses, mère, grand-parents… Tous y sont à la recherche de l’amour ou de l’ailleurs, dans un mouvement qui nous prend, nous lecteurs, et nous entraîne, à la fois amusés et déconcertés, attendris et bouleversés.
Elle, notre héroïne, croit qu’aimer c’est accepter tout de Lui, l’homme marié aux désirs sadomasochistes. Ce qu’il lui offre, n’est-ce pas un peu de l’amour ? N’est-elle pas un vilain petit canard qui ne mérite guère plus ? Il est vrai qu’elle manque de modèle féminin à suivre, entre sa mère si fragile et sa tante, si belle, qui ne parvient pas « à garder un homme ».

Lire la suite »

L’île des âmes, de Piergiorgio Pulixi

Depuis plusieurs décennies maintenant, des corps de jeunes filles sont retrouvés sur d’anciens sites sacrés. Ils ne sont jamais demandés et encore moins identifiés. Leur souvenir plane sur la ville de Cagliari, où se déroule l’intrigue du livre, et reste pour Moreno Barrali, une épine dans sa carrière de policier mais aussi dans sa vie. En effet, il est atteint d’un cancer qui ne lui laisse que très peu de temps à vivre. Toutefois, il choisit de ne plus recevoir de traitement médical, pour se consacrer entièrement à la résolution de ces meurtres qui le hantent encore et toujours. Un espoir apparaît quand deux inspectrices, Mara Rais et Eva Croce, sont mutées au tout nouveau département des “crimes non élucidés” de la police de la ville sarde. Puis, la découverte d’une nouvelle victime les place, tous les trois, au cœur d’une enquête semée autant d’embûches que de mauvais augures.

Dans ce contexte, deux histoires se font face : une intrigue policière de Mara Rais et Eva Croce secondées de Moreno Barrali, mais aussi l’histoire d’une famille de paysans, les Ladu. Ces derniers ont un mode de vie ancestral, et respectent des rites et des croyances archaïques. Ils vivent à l’intérieur de la Sardaigne, une région nommée par les Romains, la Barbagia, isolée pendant très longtemps des côtes car très difficile d’accès.

Lire la suite »

Borgo Vecchio

Borgo Vecchio, par Giosuè Calaciura

« Le parfum du pain se présenta à la porte de la boulangerie et prit le Borgo Vecchio par l’arrière. Le boulanger avait beau faire deux fournées par jour, à l’aube et au crépuscule, l’étonnement était tel que personne ne s’était jamais habitué à ce parfum et, deux fois par jour, chacun pensait qu’il n’avait jamais rien senti de semblable et faisait un signe de croix ».

Ainsi débute l’un des plus beaux passages de Borgo Vecchio, magnifique roman de Giosuè Calaciura qui promène le lecteur dans ce quartier de Palerme au gré des effluves du parfum du pain chaud à travers les étals des marchés, les chantiers navals et les ruelles sinueuses ; l’on y croise le moribond du troisième étage, un ouvrier fatigué par son travail au fer à souder, un ivrogne en manque d’alcool…Lire la suite »