Nancy Huston présente «Arbre de l’oubli» dans le cadre de Lettres du Monde. Retour sur un moment intense.

Jeudi 25 novembre, grâce au festival Lettres du monde, nous avons eu la joie d’écouter Nancy Huston à la médiathèque du Bouscat. Elle présentait son roman Arbre de l’oubli sorti cette année chez Actes Sud. Nancy Huston parle très bien français. Canadienne de naissance, ayant vécu une partie de sa vie aux Etats-Unis, elle est arrivée en France à l’âge de 20 ans pour ses études (elle travaille alors sous la direction de Roland Barthes à l’Ecole des hautes études en sciences sociales) et écrit un mémoire sur les jurons, Dire et interdire, publié en 1980. Elle a reçu de nombreux prix dont : en 1996, le prix Goncourt des lycéens et le prix du livre Inter pour Instruments des ténèbres ; en 1998, le grand prix des lectrices de Elle pour L’Empreinte de l’ange ou en 2006 le prix Femina pour Lignes de faille. Elle est musicienne, et la musique est une source d’inspiration pour cette grande autrice.

Nombre de ses romans sont écrits dans sa langue maternelle mais elle s’est rendue compte que de traduire elle-même ses romans en français lui permettait d’améliorer la première version. Ce roman Arbre de l’oubli va suivre trois personnages en parallèle, à différentes époques. Peu de ces romans suivent l’ordre chronologique.

 « Dans la vie, on est obligés de vivre la vie en ordre chronologique, on n’a pas le choix. Quand on a le choix, autant inventer autre chose. »

C’est un livre où Nancy Huston a beaucoup tâtonné, elle remercie d’ailleurs ses éditeurs pour leur patience, car il y a eu onze versions avant de trouver la bonne. Si elle avait suivi l’ordre chronologique, d’après elle, cela n’aurait pas permis de comprendre l’enjeu du livre. Le personnage central est une jeune fille adoptée. Ses parents, Lili Rose et Joël, vont faire appel à une femme afro-américaine pour porter l’enfant. Cette jeune fille, Shayna, va grandir avec ses différences, son métissage et se rendre compte qu’elle porte en elle l’histoire de l’esclavage. Le premier élément qui a donné naissance à ce roman, c’est le cri de Shayna. Ce cri est matérialisé par des passages du journal intime de ce personnage écrits en majuscule. Elle cherche son arbre généalogique, elle veut connaître ses origines, sa culture mais c’est un arbre de l’oubli car tout cela a été coupé par l’adoption. Ce roman n’est pas un plaidoyer contre la procréation pour autrui mais un laboratoire où l’on voit comment les choses se tissent et se retournent de façon douloureuse parfois, dans les familles où un enfant a été adopté. Shayna ressemble plus qu’elle ne le croit à ses parents. Elle absorbe des choses par osmose lors de discussions avec eux pendant toute son enfance, même si elle leur reproche beaucoup de l’avoir coupé de sa vraie famille.


Au Bénin il existe un monument qui s’appelle l’arbre de l’oubli, où s’est rendu plusieurs fois Nancy Huston. Il se trouve dans la ville de Ouidah d’où partaient des bateaux transportant des personnes réduites en esclavage. Cet arbre était là au centre du village, et avant de monter dans le bateau, on dit que les gens faisaient plusieurs fois le tour de l’arbre pour lui confier leurs souvenirs africains. Parce qu’ils savaient que ce qui les attendait allait être terrible et que leurs souvenirs leur pèseraient plus lourd que les chaînes. L’idée étant qu’à leur retour, l’arbre leur restituerait leurs souvenirs. Longtemps, le livre aurait dû se nommer Semence et après un second voyage au Bénin, ce titre s’est imposé pour Nancy Huston. Cela fait une heure et demi qui nous l’écoutons échanger avec la médiatrice Sylvie Hazebroucq, et on ne se lasse pas de sa voix douce. Merci pour ce moment d’une grande intensité.

Babeth, le 2 décembre 2021

Arbre de l’oubli, Nancy Huston, 2021, Actes Sud

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