La librairie du Contretemps

Portrait d’une libraire

A l’occasion d’une rencontre avec l’autrice, Maria Larea, qui y  présentait ce soir-là son premier roman, j’ai découvert une jolie librairie de quartier à Bègles « Le Contretemps », située tout près de la barrière. Spacieuse, lumineuse, des rayonnages bien pourvus, la librairie donne vraiment  envie d’y retourner.

Ce qui frappe d’abord, c’est le coin jeunesse. Début 2023, la librairie a pu s’agrandir ; elle a aménagé pour ses jeunes visiteurs un vaste espace, coquet et confortable. Presque comme à la maison…

Marina, la dynamique propriétaire du Contretemps en est bien convaincue :

Il faut mettre des livres entre les mains des enfants dès leur plus jeune âge. Leur éducation commence avec l’objet-livre.

Opinion qui rejoint celle de nombreux parents, de plus en plus désireux de trouver pour leurs enfants une alternative aux écrans.

Et puis, il y a le coin mangas et BD, assidûment fréquenté par les ados (à partir de 10 ans !).

Les plus grands ne sont pas en reste et peuvent y découvrir les derniers romans graphiques qui traitent de problématiques actuelles .Tout cela occupe l’espace de transition entre le secteur jeunes et le secteur adultes. Ce dernier propose des ouvrages nombreux et bien diversifiés : romans, essais, poésie, bouquins d’art, d’histoire, de cuisine… De nombreuses thématiques sont disponibles. Chaque libraire – ils sont 5 – a son pré carré et peut conseiller grands et petits en fonction de ses goûts. Tous leurs coups de cœur et les nouvelles parutions sont exposés par genre sur des tables dans l’espace central. Marina, pour sa part, est fan de polars.

Les livres non disponibles en rayon peuvent être commandés. Le Contretemps est une librairie généraliste et Marina n’exclut aucun titre demandé, elle accueille avec curiosité ceux qu’on lui fait connaître. Seuls, reconnait-elle, quelques thèmes par trop extrémistes risquent d’être écartés.

Cette librairie chaleureuse a une histoire, c’est au début celle de Marina dont l’amour des livres et le goût de l’échange ont joué un rôle déterminant dans le choix d’une nouvelle carrière.

Au départ, elle était infirmière psy, déjà désireuse, dans ce cadre hospitalier, de transmettre  son intérêt pour la chose écrite ; organisation d’une bibliothèque et d’ateliers d’écriture pour les patients.

C’est finalement un stage au Cultura de Bègles qu’elle fit dans le parcours d’études de l’Ecole des cadres qui lui procura l’impulsion déterminante. Le plaisir, l’intérêt étaient là, pourquoi ne pas s’en emparer pour de bon ? Changement d’environnement professionnel et géographique donc ! Une licence de lettres et une formation en école de librairie plus tard, la librairie du Contretemps voit le jour à Bègles en été 2017.

Belle histoire que celle de cette reconversion réussie. Mais aussi un pari risqué !

L’époque n’a pas été un long fleuve tranquille pour le secteur du  livre. Paradoxalement, le Covid et ses confinements successifs ont contribué à  son essor : mise en place du clic and collect, reconnaissance des librairies comme commerces essentiels. Mais la guerre en Ukraine et l’inflation ont  marqué une baisse importante dans la vente du livre.

Cependant, Marina qui a maintenant 6 ans de recul est optimiste quant à l’évolution de sa librairie. Evolution déterminée aussi par l’évolution du quartier, l’installation de jeunes couples avec enfants et la proximité des écoles et collèges .Le Contretemps est un lieu où les enfants aiment s’attarder, la clientèle familiale trouve ici des interlocuteurs compétents et bienveillants.

Sous l’impulsion de Marina et celle des autres libraires, les livres vivent au gré des nombreuses manifestations organisées par l’équipe : rencontres avec des auteurs, lectures- dégustations improbables associant breuvages et genres littéraires. Par exemple whisky et polars anglo-saxons, rhum et littérature caribéenne.

Les enfants ne sont pas oubliés et peuvent bénéficier de dégustations à l’aveugle, de pirates.

Citons encore un club de lecture organisé en relation avec la bibliothèque de Bègles et bientôt  un atelier d’écriture, sans oublier le travail en collaboration avec des salons littéraires comme Lettres du Monde par exemple.

D’autres projets sont en germe : Marina souhaiterait s’appuyer sur des produits locaux ou des initiatives locales qu’elle pourrait relayer sur le plan culturel.

Marina aime parler de son métier, elle anime des formations de néo- libraires de la région. Invitée par des documentalistes, elle intervient auprès d’élèves de collège et leur parle de son activité. Non, ce n’est pas un métier où on gagne beaucoup d’argent !! Mais quand on y croit, on ne ménage pas sa peine et on y fait des tas de rencontres enrichissantes.

Marina essaie de transmettre une passion qui n’économise aucun effort, des échanges marqués par l’écoute et la tolérance, une curiosité qui toujours débouche sur du nouveau. Il n’y a pas de place ici pour la morosité et le positif est au rendez-vous.

Quand je suis revenue au Contretemps, je voulais entre autres demander à Marina pourquoi elle avait appelé sa librairie ainsi. Mais on a discuté de bien d’autres choses et j’ai oublié de poser ma question. Toutes les hypothèses sont permises… si quelqu’un a la réponse …

Retrouvez l’actualité du CONTRETEMPS sur leur site https://librairieducontretemps.com/

Marie-France, le 10 mai 2023

Retour sur la dégustation littéraire avec Pierre Lemaitre

Médiathèque Senghor – Carré des Jalles

Le 30 mars dernier, Pierre Lemaitre était à Saint-Médard-en-Jalles devant un public très nombreux. Loin d’être intimiste, nous étions 360 personnes à nous être déplacé pour l’écouter. Éloquent, théâtral même, pendant plus d’une heure il nous a parlé de sa vision du monde à travers son dernier roman « Le Silence et la Colère » publié le 10 janvier 2023 chez Calmann-Lévy. Il s’agit du deuxième volume de la suite romanesque intitulée Les Années glorieuses. Il fait suite à « Le Grand Monde » où nous suivons les rebondissements de la vie des membres de la famille Pelletier. L’intrigue se déroule dans les années cinquante. Voilà pour le contexte.

Pierre Lemaitre commence en nous parlant de la famille : c’est la grande attirance des romanciers selon lui.

Il y a un tropisme des romanciers pour l’histoire familiale. La famille c’est l’endroit où vont naître les premières grandes passions individuelles : le désir, la revanche, l’amour, la jalousie, le lien. Il y a trois structures qui rendent dingue : la première c’est la famille, la deuxième c’est l’école et la troisième c’est l’entreprise. Le thème de la famille passionne les lecteurs car les histoires familiales permettent de comprendre le fil de notre propre histoire et de lire la société.
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Géographie d’un père, de Pascale Dewambrechies

Dans son troisième roman, Géographie d’un père, paru aux éditions Passiflore en novembre 2022, Pascale Dewambrechies met en exergue une citation de Marguerite Duras : « Ecrire, c’est écrire sur soi. » L’imagination n’existe pas. Son livre, qui se présente pourtant comme un roman avant d’être un récit autobiographique, est le plus personnel de ses trois ouvrages. C’est une vibrante adresse au père disparu. Un père qui s’est éloigné d’elle lorsqu’elle avait 14 ans, mais dont elle a croisé à nouveau le chemin peu de temps avant sa mort, après 25 ans de silence.

Ta mort qui nous sépare, me fait toucher tout ce vide. Immense. Je me demande comment je l’ai comblé, qu’est-ce que j’y ai mis.

La mort du père l’a fait resurgir dans sa vie. Au fil des années qui ont suivi cette ultime rencontre, où rien n’a été dit – nous avons trop à nous dire pour nous dire quelque chose – elle va peu à peu prendre conscience du mal-être que l’absence du père a imprimé en elle, de ce qui souterrainement a produit du malheur.

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Un week-end dans le Michigan et Indépendance, de Richard Ford

C’est avec Un week-end dans le Michigan (1986) que Richard Ford « étrenne » le personnage de Frank Bascombe que l’on retrouve ensuite dans Indépendance (1995, Prix Pulitzer 1996) puis dans L’état des lieux et, plus récemment, En toute franchise.

Des configurations assez similaires pour ces deux romans qui nous font découvrir son personnage, le temps d’un week-end à chaque fois. Dans le Michigan d’abord avec sa petite amie après son divorce et le décès de son fils aîné ; lors d’un week-end prolongé de fête de l’Indépendance du 4 juillet ensuite, durant lequel il se partagera entre une compagne avec laquelle sa relation est en sursis et son fils cadet au comportement saturé de signaux faibles et inquiétants. Dans les deux cas, son ex-femme est là dans le paysage, proche puis plus lointain, lui signifiant une époque définitivement révolue qui reste le marqueur majeur de son existence, une époque où possible et réel n’étaient pas si distendus.

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