Dans le grand cercle du monde de Joseph Boyden est un roman passionnant qui nous transporte à un moment clé de l’histoire de l’Amérique du Nord où l’équilibre entre les nations indiennes est bouleversé par l’arrivée des Européens.
Au début du XVIIème siècle, alors que les Français ont établi des liens commerciaux avec les Hurons et les Anglais avec les Iroquois, une guerre sourde par alliés interposés fait rage entre les deux puissances européennes. Chaque camp européen arme la nation indienne sous sa coupe et au plus fort du conflit entre Hurons et Iroquois, la violence atteint des sommets.
Joseph Boyden décrit subtilement cette période en donnant tour à tour la parole à Oiseau, chef de guerre huron, à Chutes de Neige, jeune Iroquoise enlevée à sa tribu au cours d’un raid et retenue captive par les Hurons, et à Christophe un jésuite récemment arrivé de Bretagne : « Je ne voulais pas avoir qu’un seul point de vue. Trois cultures luttaient à cette époque et je voulais les capturer à travers ces trois protagonistes. » De fait, le lecteur est dans les pensées de Oiseau lorsqu’il prépare des raids, prend des décisions qui engage l’avenir de sa tribu et comprend ses questionnements sur l’évolution inéluctable des événements. On voit Chutes de Neige devenir adulte au sein des Hurons sans jamais oublier qu’elle est iroquoise. On voit Christophe découvrir un nouveau monde.
Le personnage du jésuite Christophe est fortement inspiré de Jean de Brébeuf, jésuite normand missionnaire, que Joseph Boyden a découvert lorsqu’il a fréquenté le collège Jean de Brébeuf à Montréal. Quant à Oiseau et Chutes de Neige, ils sont un produit de son imagination, même si l’on peut penser que ses origines amérindiennes les ont nourris. « Mon écriture explore mon histoire. J’écris sur des tribus qui ne sont pas les miennes, mais je fais très attention. J’ai demandé la permission avant d’écrire sur les Hurons [NDLR : à George E. Sioui, universitaire d’origine huronne], sinon je n’aurais pas pu terminer ce livre. »
Les sociétés décrites dans Dans le grand cercle du monde sont complexes, qu’il s’agisse des Amérindiens ou des Français. Joseph Boyden nous emmène au cœur du village huron et l’on y comprend son organisation, la répartition des rôles entre les hommes et les femmes, l’équilibre entre la culture des trois sœurs (maïs, courge, haricot) et les croyances. Quant aux colons, on découvre des hommes de foi et des « donnés » plus prompts à toute forme de violence. Chaque camp s’observe. Les Jésuites sont surpris par ces hommes sans poils ; les Hurons trouvent que les Jésuites puent…
Les scènes de violences sont très fortes, marquantes : « La torture était pratiquée dans les deux camps. L’Inquisition espagnole la pratiquait en Europe autant que les Indiens d’Amérique du Nord mais elle était utilisée pour des raisons différentes. C’était une marque de respect en Amérique du Nord, alors que c’était une punition en Europe. Ce sont deux façons de voir le monde. En écrivant ce roman, j’ai voulu montrer les bons et les mauvais côtés de la nature humaine. »
Joseph Boyden nous offre un peu de l’âme – de l’Orenda – des peuples amérindiens à travers ce roman : « On dit souvent que l’histoire appartient aux conquérants. Avec ce roman, j’ai voulu qu’elle appartienne aussi un peu aux conquis. Quand on lit ce que Oiseau et Chutes de Neige ont perdu on comprend ce que cette culture a perdu ».
Florence

Et en plus il est beau !
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