Dans Le nuage d’obsidienne, j’ai retrouvé avec bonheur l’univers bien particulier des romans d’Eric McCormack, auteur écossais que j’ai découvert il y a quelques années avec L’épouse hollandaise, un roman singulier et captivant.
C’est la découverte d’un vieux livre du 19e siècle dans une petite librairie d’une ville mexicaine qui constitue le point de départ de ce roman. Cet ouvrage intrigue le héros – et narrateur – du roman de McCormack, Harry Steen : il le renvoie à une époque reculée de sa vie, lorsque, très jeune homme et amoureux, il vivait dans une petite localité des Uplands en Ecosse, Duncairn, se préparant à exercer le métier d’enseignant. Harry a été marqué précocement par la mort accidentelle de ses parents, il le sera encore plus à Duncairn par le rejet inexplicable de la part de la jeune fille qu’il aime.
Il va faire de ce chagrin d’amour la grande histoire de sa vie. Ce « cœur blessé » se présentant comme tel à toute personne de rencontre, renonce à prendre sa vie en main. Il préfère se livrer au hasard. Sa fuite aveugle, dans la plus pure tradition romantique, le conduit dans différentes parties du globe où il connaît de multiples aventures et fait quelques belles rencontres qui influeront sur le cours de son existence.
Notre héros, jeune homme « bon » et candide, semble bien s’adapter à toutes ces aventures et rebondissements qui ponctuent sa vie. Il a la chance de rencontrer des personnages qui le traitent avec bienveillance et qui décident pour lui de sa vie, en particulier Gordon Smith qui en fait son associé et le marie à sa fille.
Harry l’idéaliste sait pourtant faire preuve de lucidité dans ses jugements : il lui arrive de se poser des questions sur le bien-fondé des actes de ses amis et des siens propres, mais il sait les évacuer au nom d’un relativisme fort opportun. Les différentes péripéties de sa vie lui apparaissent comme autant de manifestations d’un destin tout tracé d’avance.
Mais plusieurs coups de pouce de ce destin qui ont pour nom Duncairn vont lui faire prendre une décision qui éclairera certains mystères … Sa vie n’en sera pas facilitée pour autant. Harry se sent vulnérable, le calme et l’objectivité lui paraissent vains devant le danger qui le guette.
Roman d’aventures ? Roman psychologique ? Roman d’apprentissage ? Evocation un rien ironique du processus de recherche universitaire sur les origines d’un ouvrage ? Considérations érudites sur l’importance toujours actuelle des traditions et des légendes et sur l’inévitable avancée du progrès technologique ?
Le nuage d’obsidienne est tout cela à la fois et bien plus encore : les détails insolites se mêlent à la narration de la vie ordinaire. Le fantastique n’est jamais loin, embusqué derrière le réel.
Certes, certains phénomènes extraordinaires finissent par trouver une explication rationnelle, mais il n’en reste pas moins qu’ils ont frappé l’imagination du héros et que leur marque imprimée dans sa psyché n’est pas prête à disparaître : l’auteur y veille ….
Eric McCormack sait d’emblée nous captiver par cet assemblage de romanesque, d’exotisme, de considérations sociologiques. Le récit est bien mené, les péripéties s’enchaînent de manière vraisemblable quoique surprenante. Que l’écrivain aborde les guérillas africaines, qu’il évoque les progrès de la technique dans l’extraction des minéraux ou les expériences hasardeuses d’une certaine médecine sur des humains consentants, il le fait toujours de manière bien documentée.
Bref, un roman original qui se lit d’une traite.
Marie-France, 17 août 2016