Le saviez-vous ? Véronique Olmi est comédienne en plus d’être écrivaine. Quoi de mieux qu’un livre audio avec l’auteur comme lectrice pour écouter la fresque historique et romanesque retraçant la vie de Sainte Josepha Bakhita qui commence à la fin du 19e siècle et finit après la seconde guerre mondiale.
C’est dans une église de Touraine que Véronique Olmi a découvert le portrait de cette religieuse née au Soudan lui ayant inspiré ce livre. Bakhita, c’est son prénom d’esclave. Son vrai prénom, elle ne s’en souvient pas. Intriguée par cet oubli, Véronique Olmi se lance alors dans un travail de recherche et d’écriture qui va durer deux ans.
A 5 ans, l’enfant est enlevée par des négriers dans la région du Darfour au Soudan. Elle est séparée de sa sœur jumelle et des autres membres de sa famille. Elle survit grâce au lien qui se noue avec une autre enfant esclave. Ne partageant pas le même dialecte, elles communiquent par les regards et les gestes jusqu’au jour où elles décident de s’évader. Pas besoin de mots lorsqu’on ressent les mêmes désirs. Elles sont à bout de force et pourtant, elles arrivent à échapper à une bête sauvage. La bestialité de l’homme est bien pire : elles sont de nouveau attrapées par un homme qui les vend à un harem. Nous sommes dans les années 1880, les européens font des affaires et profitent des richesses du Soudan, de l’Égypte.
Lorsqu’elle a 13 ans, elle est de nouveau vendue au consul italien. L’homme est plus respectueux et accepte trois ans plus tard de l’amener avec lui en Italie. Elle imagine que les italiens sont des gens heureux et comblés. Mais ce que Bakhita découvre, c’est l’épuisement, la maigreur et la pauvreté des paysans italiens. Ils sont soumis comme les esclaves du Soudan. Bakhita voit ce que d’autres ignorent : il y a des hommes qui souffrent partout. Le consul a offert Bakhita à la signora Maria Michieli, femme hystérique et capricieuse, mais qui trouvera auprès de Bakhita toute l’empathie dont elle a besoin. En Italie, Bakhita est perçue comme le diable noir. Sa voix grave fait peur comme sa couleur de peau mais elle est d’une beauté unique. Un homme n’a pas peur d’elle, c’est Stefano Massarioto le gérant des Michieli. C’est un humaniste inclassable, défenseur des paysans, très pieux.
Maria Michieli va donner naissance à une petite fille en 1886. Alice surnommée Mimmina. La signora a déjà perdu deux enfants et ne se sent pas à la hauteur pour s’occuper de ce bébé. Bakhita va soigner, masser, cet enfant destiné à mourir. Elle comprend son langage, sa toux, ses pleurs, ses glaires sont comme un cadeau qui lui est destiné. Elle agit de façon instinctive et autoritaire. Elle la sauve. Bakhita devient une seconde mère pour Mimmina à qui elle donne tout l’amour de ceux qui lui ont été arraché. Ce sont deux vies indémêlables et sauvées. Maria a de la reconnaissance mais aussi de la rancune pour Bakhita. Quelques années plus tard, les Michieli vont s’installer au Soudan avec leur fille. Stefano fait en sorte que Bakhita reste en Italie chez les religieuses. Il décide d’adopter Bakhita et ainsi sauver son âme en la baptisant. Bakhita doit faire un choix : Mimmina ou dieu ? Elle choisit dieu. La liberté a un prix . Elle gardera toujours la douleur d’avoir abandonné Mimmina pour pouvoir être libre.
Une fois baptisée elle s’appelle Josepha. Elle devrait être un témoin vivant de l’amour du Christ mais elle est triste. Une fois baptisée, Bakhita doit quitter l’institut mais elle veut quelque chose qu’elle n’ose pas dire : devenir une religieuse. Nous sommes en 1893 et l’Italie, pays de l’évangélisation de l’Afrique, accepte cette première femme noire comme nonne. Bakhita est une confirmation : l’Italie catholique sauve les esclaves. Pour elle c’est le temps de la délivrance. Elle veut avoir l’autorisation d’aimer. L’amour qui rachète les péchés.
Jusqu’à la fin de sa vie, Bakhita acceptera tous les postes qui lui seront octroyés au sein de l’Eglise même les plus ingrats. Les autres nonnes ont peur d’elle. Mais Bakhita a la patience des êtres sauvés. Elle a subi le pire du mal et a besoin de vivre la sublimation après le mal. Bakhita a choisi la religion car c’est une lumière aussi forte que le côté obscur de son enfance. Elle n’a pas vraiment été heureuse grâce à la religion mais ça lui a permis de s’éloigner des horreurs vécues. Elle a la culpabilité d’être une survivante et d’avoir abandonné le reste de sa famille.
Bakhita est porteuse d’espoir. C’est pour cette raison que j’ai été totalement embarquée par cette biographie romancée. Par ce récit qui témoigne de l’esclavage, nous sommes également foudroyés de voir combien les hommes, les femmes ou les enfants, les migrants notamment, sont toujours traités de façon inhumaine. C’est une histoire sur l’enfance offensée, d’ici ou d’ailleurs, qu’on enlève, qu’on utilise comme une marchandise. Bakhita, malgré tout ce qu’elle a vécu, reste profondément attachée à la vie et c’est en ça que ce témoignage d’espérance nous touche. Elle nous permet de comprendre « quelle est la part irréductible d’humanité dans les êtres qui résistent « .
Babeth, septembre 2023
Bakhita, Véronique Olmi, Albin Michel 2017 et Audiolib 2018