Gaëlle Nohant est une romancière que j’affectionne particulièrement depuis son livre La part des flammes, sorti en 2015. Elle y raconte le destin de trois figures féminines essayant de se reconstruire suite au tragique incendie du bazar de la Charité qui a eu lieu le 4 mai 1897 à Paris. Ce drame a fait à l’époque de nombreuses victimes et endeuillé le tout Paris. Gaelle Nohant fait revivre le Paris du 19e, avec des personnages charismatiques et dignes qui veulent prendre en main leur destin. Dans La femme révélée, roman écrit en 2020, elle construit le personnage d’Eliza, épouse et mère d’un petit garçon qui décide de quitter une vie dorée américaine pour se construire une nouvelle identité dans un Paris de l’après-guerre. Elle devient Violet, une femme libre qui va se réinventer en vivant en accord avec ses désirs et ses convictions. Elle y connait la puissance de l’amitié, la passion amoureuse, la beauté d’une vie qu’on se choisit. Mais cette liberté durement acquise n’efface pas la blessure profonde laissée par l’abandon maternel. Vingt ans après sa fuite, elle tentera de le retrouver .
Gaëlle Nohant a l’art de mettre à l’honneur les femmes face à leur destin. Elle les crée touchantes, imparfaites, déterminées et puissantes.
Son nouveau roman est une fiction basée sur des faits historiques où s’entremêlent plusieurs destins. On y retrouve Elsie, gardienne allemande du centre de concentration de Ravensbrück ; Lazar un déporté polonais d’origine juive ; Wita, une déportée allemande ; Eva, une survivante juive, mais aussi leur descendance. Tous ces personnages sont liés à Irène, le personnage principal qui est une documentaliste de l’International Tracing Service, un des plus grands centres de documentation d’Allemagne sur les persécutions nazies. Irène est résignée et portée par un sentiment de justice. Elle va mener un travail d’enquêtrice hors pair pour restituer des objets tombés dans l’oubli à leurs propriétaires et leur redonner une identité.
Même si on ne répare personne, songe Irène en s’essuyant les yeux, si l’on peut rendre à quelqu’un un peu de ce qui lui a été volé, sans bien savoir ce qu’on lui rend, rien n’est tout à fait perdu.
Ce livre bouleversant transporte le lecteur dans la période la plus sombre de l’Europe du 20e siècle. Gaëlle Nohant fait plonger son lecteur au cœur de l’impensable par des personnages terriblement touchants qui s’imprègnent en nous. On y parle de secrets de famille, de non-dits, de mémoire, de deuil, mais surtout de vérités. Elle rend hommage à tous ces êtres humains victimes du nazisme. Elle tente de réparer, de comprendre à travers Irène les vies brisées et les blessures encore vives des nouvelles générations.
Ce livre remue et questionne sur la nature humaine, il nous fait perdre tout espoir pour nous ranimer quelques pages plus loin. On le lit, tenu en haleine, avec le besoin de connaitre la vérité de ces tragiques destins.
Pour ne jamais oublier.
Belle lecture.
Pauline, invitée des Liseuses, le 22 mars 2023
Le bureau d’éclaircissement des destins, Gaëlle Nohant, Grasset, 2023