Grégoire Delacourt est arrivé ce samedi matin au salon Lire en poche de Gradignan avec humour et légèreté. Comme un enfant qui lance une blague pour détendre l’atmosphère, cet homme qui ne fait pas son âge nous présentait ses deux derniers romans.

Un jour viendra couleur d’orange est le 9e roman de l’auteur. Ce titre, tiré d’un poème de Louis Aragon, est plein de promesses : « Un jour viendra couleur d’orange, un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront ». La toile de fond du roman, ce sont les gilets jaunes. Grégoire Delacourt voulait essayer de comprendre ce mouvement en colère, car pour lui, on a tous des colères enfouies.
«La colère est l’expression d’un espoir. Quand on crie de colère c’est qu’on attend quelque chose de l’autre. Je respecte beaucoup la colère, parce qu’elle dit quelque chose d’important.
C’est une prière désespérée.»
Toute l’histoire tourne autour de Geoffroy. C’est un enfant qui a un syndrome autistique d’Asperger. Seules les couleurs le rassurent. C’est un moyen d’appréhender plus sereinement le monde extérieur. Il y a surtout le bleu relaxant de sa mère Louise. Pour son père, c’est le jaune. Pierre est très en colère, il ne supporte pas que Geoffroy soit différent. Il n’arrive pas à aimer son fils. Et quand arrive le mouvement des gilets jaunes, il profitera de la colère des autres pour aller crier la sienne. Quand Djamila vient changer la vie de Geoffroy, apparaît le vert Véronèse. Cette jeune fille de 15 ans est différente par ses origines berbères et sa couleur de peau. Ces deux enfants vont se rencontrer. Elle est dans la poésie et lui dans les mathématiques, ils se complètent, ils réinventent le monde.
C’est un roman sur la jeunesse où tout est possible parce qu’on croit à nos rêves, et ce roman montre avec justesse la confrontation entre le monde de l’enfance et le monde des adultes qui a perdu ses rêves.
Chacun des romans de Grégoire Delacourt raconte la même petite histoire dissimulée. Celle d’une fracture, d’une douleur, d’une colère enfouie. Son dernier livre L’enfant réparé est un récit autobiographique.
«J’ai l’intime conviction que j’ai commencé à l’écrire il y a douze ans. Les 9 livres précédents m’ont amené à celui-ci. C’est celui qui devait être écrit. Ce sont les mots des 9 romans qui m’ont permis de piocher en moi ce qui m’était arrivé. Tout le contenu de l’enfant réparé était déjà là. Mes livres me racontaient mais je ne le voyais pas.»
Nous sommes tous émus dans la salle lorsque Grégoire Delacourt nous parle de ce père comme une ombre, qui circule, tout en noir et va faire de son fils une victime. Ce chagrin dont l’origine était enfouie en lui, qu’il avait oublié mais qu’il a déterré et raconté avec lucidité dans L’enfant réparé. Il nous parle également de sa mère, de ce qu’il considérait comme du désamour alors qu’elle cherchait à l’éloigner de ce père abusif.
Nous sommes passés de la légèreté à la gravité. L’émotion était palpable.
«Ma mère a vu des choses. Elle m’envoyait en colonies de vacances, m’éloignait d’elle, de lui. Elle m’aimait parce qu’elle a renoncé à moi pour me sauver. En 1965 on ne parlait pas de ça. Elle est morte avant que je puisse la remercier pour ça. Ce livre répare un peu.»
Babeth, le 5 novembre 2021
L’enfant réparé, Grégoire Delacourt, 2021, Grasset