Avec Derniers feux sur Sunset, Stewart O’Nan offre à ses lecteurs une belle biographie romancée des dernières années de la vie de Francis Scott Fitzgerald.
L’auteur de Gatsby le magnifique est au crépuscule de sa vie, criblé de dettes et alcoolique. En 1937, il part s’installer à Hollywood avec l’espoir que sa notoriété d’écrivain lui permette de participer à quelques scenarii et d’avoir ainsi son nom au générique d’un film. Il quitte donc l’est des Etats-Unis, laissant Zelda en proie à la folie, internée dans un hôpital psychiatrique, et leur fille Scottie en pension. Mais les studios hollywoodiens ne font pas grand cas de Fitzgerald, à qui ils confient l’écriture de scénarii de films faciles et sans envergure, pour les lui retirer presque aussitôt et les confier à d’autres scénaristes. Il est traité comme un écrivaillon interchangeable, ce qui renforce son sentiment que ses faits d’écriture sont derrière lui.
Alors, Fitzgerald boit. Il essaie pourtant de lutter contre la tentation de l’alcool, prend des résolutions en ce sens mais ne les tient que trop peu. Il se souvient avec nostalgie de sa vie dispendieuse en Europe avec Zelda, des soirées mondaines et des divertissements luxueux. Mais Zelda n’est plus la muse enjouée et élégante qu’elle a été; elle est malade et ne tient que grâce aux effets de son traitement médicamenteux. D’ailleurs, à chaque fois qu’il la retrouve le temps d’une semaine de vacances, il peine à la reconnaître : il la trouve grossie, mal coiffée, habillée sans goût. Il est partagé entre son amour pour elle et ce constat que leurs vies ne se déroulent plus à la même vitesse. Quand elle adopte un pas modéré, lui tente encore de croire à la gloire.
Il n’y a pas de deuxième acte dans les vies américaines.
Fitzgerald, in Gatsby le magnifique
Stewart O’Nan raconte avec tendresse un Fitzgerald qui croit encore en son talent d’écrivain. Entre deux scenarii, il se lance dans l’écriture de son dernier roman, Le dernier nabab, qui restera inachevé. Il y a de très belles pages sur son travail d’écrivain, qui dénotent une recherche documentaire étayée. Le Hollywood de l’âge d’or, qui est le décor de la fin de la vie de Fitzgerald, est restitué avec précision : c’est une fournaise où tout ce que l’on construit n’est qu’extravagance de carton-pâte. Vacuité des décors, vacuité des relations humaines qui attirent inexorablement le mondain qu’il est : il aime ces soirées où les noms connus de Hollywood se retrouvent…On ne se refait pas…
La force de Stewart O’Nan dans Derniers feux sur Sunset est de raconter avec empathie un homme, un écrivain, un mari et un père, en restituant avec justesse ses tourments et ses contradictions. Les pages sur Zelda sont poignantes, celles sur Fitzgerald, à la fois amoureux et fêtard invétéré, sont tendres. La mélancolie est prégnante jusqu’aux derniers moments.
Florence, 24 juin 2018