Lauréat du Prix Médicis en 2008 pour Là où les tigres sont chez eux, Jean-Marie Blas de Roblès nous revient avec un roman foisonnant et baroque, L’Ile du Point Némo.
L’avis de Marisa
Lecteurs qui aimez Jules Verne, Alexandre Dumas et les récits d’aventures, ce roman vous est destiné.
Quel est donc le point commun entre trois pieds droits coupés, chaussés de baskets et échoués sur les côtes écossaises et le diamant d’une valeur inestimable dérobé à Lady MacRae ?
C’est l’énigme que Martial Canterel et son vieil ami Holmes cherchent à résoudre, parcourant le globe à la poursuite d’un suspect, le mystérieux Enjambeur Nô.
Voyage en Transsibérien, Chine, Australie… Durant leur périple cocasse et rocambolesque, nos deux acolytes croisent pêle-mêle un magicien chinois, des sœurs siamoises unijambistes, un missionnaire orthodoxe, l’excentrique Martyrio aux attributs hors du commun, le Prince Svetchine et autres diables à ressort.
Porté par une imagination débordante, l’auteur ponctue son récit d’histoires secondaires où personnages et destins, on le comprend progressivement, sont intimement liés. On y croise un directeur d’usine soucieux pour son pigeon voyageur, des époux prêts à tout pour donner un nouveau souffle à leur couple, on y apprend les vertus de la lecture dans les fabriques de cigares… Et on déguste ces Derniers télégrammes de la nuit, courts chapitres disséminés dans le livre et dont voici un extrait :
Choses qui font regarder celui qui les prononce avec suspicion.
Oui, Simone a tué son mari, mais elle a agi seule, affirme ce dernier, cafetier dans l’Oise.
Vibrant hommage aux romans d’aventures, l’ouvrage de Jean-Marie Blas de Roblès invite le lecteur au voyage, vers cette Utopie romanesque où se déploie l’horizon des possibles.
L’avis de Bérengère
Une mise en abîme… Je n’ai jamais aimé le mot, il comporte, pour moi, le néant… Pourtant, L’île du point Némo est bien une mise en abîme et il est loin d’être le néant.
Arnaud lit un roman à sa femme, Dulcie, dans le coma, comme on les lisait dans les manufactures de tabac, dans les Antilles. A la fois, nous suivons l’histoire d’Arnaud et de Dulcie, la faillite de leur entreprise de cigares en Dordogne reprise et transformée en usine d’assemblage de matériel pour des liseuses électroniques ; à la fois, nous sommes pendus aux lèvres du personnage (aux lèvres qu’écris-je ! aux mots !) qui conte les aventures de gentlemen à la poursuite d’un bijou exceptionnel volé à une lady.
A partir de cet instant, l’auteur nous entraîne revisiter les livres où l’imagination est reine tels que Vingt mille lieux sous les mers ou encore L’île fantastique ou même Le tour du monde en 80 jours, dont il s’inspire pour des décors baroques voire rococo. Mais sa force, je trouve, est d’avoir entremêlé dans ce cadre, des personnages sortis des romans policiers comme ceux d’Agatha Christie mais aussi de Conan Doyle ou encore les romans-feuilletons français comme Fantômas ou même Arsène Lupin. Je suis, du reste, toujours aussi étonnée du nombre d’avatars que les écrivains peuvent inventer pour faire revivre Sherlock Holmes ! L’écriture et les astuces scientifiques restituent ce contexte. Enfin, J. M. Blas de Roblès n’oublie pas l’humour, celui de notre époque, celui qui nous donne le recul nécessaire à une réflexion sur notre monde et sa préservation mais aussi sur sa gestion politique. Maints détails peuvent, à ce titre, avoir un écho avec ce que nous vivons aujourd’hui.
Voilà qui est très alléchant et permettra sans doute de faire reculer le moment où la rentrée et son méchant train-train vont nous assaillir.
J’aimeJ’aime