Quand l’empereur était un dieu de Julie Otsuka raconte un pan trop souvent méconnu de l’histoire des Etats-Unis : la rétention dans des camps, sur le sol américain, de Japonais ou Américains d’origine japonaise, après l’attaque de Pearl Harbour par les troupes nipponnes.
Julie Otsuka nous fait suivre la vie d’une mère et de ses deux enfants – le père a déjà été déporté – dans un camp au fin fond d’une Utah aride et désertique, eux qui étaient habitués à la douceur de la vie californienne.
Les lettres que le père envoie à sa famille ne parlent jamais de ce qu’il vit et sont emplies d’une force, d’une sagesse à laquelle la famille se raccroche pour ne pas faillir : « Sois patient. Et souviens-toi : mieux vaut plier que rompre.«
Julie Otsuka écrit selon le procédé de l’écriture blanche : aucun sentiment ne semble transparaître mais les descriptions sont lourdes de sens. La mère, revenue dans sa maison de Berkeley, trouve un emploi de domestique pour subvenir aux besoins de la famille ruinée. Elle semble heureuse, tout du moins ne se plaint pas, mais « lorsqu’elle gravissait les marches du perron, son pas semblait plus lourd que la veille.«
La violence de l’exclusion de cette famille pourtant bien intégrée « avant » est rendue par une liste qu’on croirait sans fin : « Et ainsi nous tenions-nous la plupart du temps à l’écart. Nous avancions sans un mot dans les couloirs. […] Si d’autres élèves nous lançaient des réflexions désobligeantes […] nous ne les entendions pas. […] »
Julie Otsuka montre comment la peur ronge quotidiennement cette famille au point qu’elle élabore des stratégies pour se cacher afin d’échapper à la vindicte populaire et préfère se dire chinoise que japonaise. Au point que tous dorment habillés : « Hors de question de nous faire surprendre en pyjama« .
Quand l’empereur était un dieu est le premier roman de Julie Otsuka. Puissant et doux, lent et bref. Magnifique. A lire, absolument.
Florence
Cette écriture blanche qui parfois (souvent) provoque l’ennui, ici est une arme qui vous fend le cœur. Ce livre est magnifique.
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