
Comme promis, voici un compte-rendu de la rencontre avec Pascal Quignard proposée par Mollat le 8 décembre dernier à Bordeaux.
Avant tout, précisons que c’est très difficile de résumer une conférence de cet auteur. L’érudition, les citations, le cheminement de pensée, parfois sinueux, rendent ardue toute tentative de retranscription… Je m’y attèle tout de même.
Pour commencer, Pascal Quignard nous a lu deux extraits des Solidarités mystérieuses. Etonnamment, il n’a pas pris le livre des éditions Gallimard pour faire sa lecture, mais a choisi de déplier deux feuillets manuscrits sur lesquels étaient écrits ces passages. Un silence quasi religieux et ému a accompagné cette lecture.
Ensuite, il a choisi de nous faire écouter le dernier nocturne de Chopin, musique qui l’a inspiré pour écrire le plan des derniers chapitres de son livre, ces « Voix sur la lande » dont il vient de nous lire deux extraits. « Cette musique, dit-il, est comme une mer à son reflux, avec rigoles et lambeaux. Les voix de ces derniers chapitres sont comme des rigoles qui affluent vers l’océan.«
Dès la première question, Quignard est invité à parler de son goût pour la lecture. L’auteur confesse que lorsqu’il avait 20-40 ans, lire était un besoin vital pour lui. La lecture représentait un temps de récupération, un temps nécessaire loin de la vie sociale. Au fur et à mesure qu’il vieillit, la nature occupe une place de plus en plus importante dans sa vie. Lecture des livres est devenue lecture de la mer, de la montagne, contemplation de la nature, un peu comme l’expérience vécue par Claire, le personnage principale des Solidarités mystérieuses.
Quignard nous dit ensuite que les écrivains dont il se sent les plus proches en amitié ou ceux qu’il préfère sont Annie Ernaux, Duras, R. Antelme, Louis-René des Forêts, et également Emmanuel Carrère, Michon.
Je l’interroge ensuite sur le thème de la solitude, omniprésent dans Villa Amalia et dans ce dernier roman: « Pensez-vous qu’il faille sortir de la vie sociale pour s’accomplir ou se retrouver ? » Pour Pascal Quignard, s’accomplir et se retrouver n’ont pas la même signification. La solitude n’est pas nécessaire pour s’accomplir, tandis que la vie sociale est nécessaire pour cela. En revanche, pour se retrouver, il est nécessaire de s’isoler.
L’auteur reparle ensuite de la solitude foetale, avant la naissance, comme état premier de l’homme (il l’évoque longuement dans son oeuvre). Il précise ensuite que Claire n’est pas seule. Elle rejoint celui qu’elle aime, elle finit par se fondre en lui. Elle ne s’isole pas. Pour Quignard, l’acte de lecture, comme le fait d’aimer, c’est partager la vie de quelqu’un d’autre. Ce n’est pas une solitude.
Lorsque je lui demande s’il a des rituels d’écriture, Pascal Quignard nous raconte qu’il se lève tôt, vers 3-4h du matin. Dormant peu et se couchant tôt, il consacre 4 à 5h à l’écriture, la réflexion, la méditation, puis se lève vers 10h-11h. « Je reste le plus possiblement au contact des rêves et de la nuit. »
D’autres questions ont été posées, notamment sur sa réaction face au Goncourt, reçu en 2002, « agréable surprise » pour lui. « Le Goncourt, quand on ne s’y attend pas, passe comme l’eau sur les ailes d’un canard. »
Merveilleuse rencontre que cette conférence, entre poésie et érudition. J’ai eu la chance ensuite de lui faire dédicacer deux livres, et de discuter davantage avec celui que je considère comme l’un des plus grands écrivains français.
Par Marisa