Le mur invisible

Si je devais choisir des livres pour l’originalité de leur propos, Le mur invisible ferait sans nul doute partie de ma sélection. Ecrit en 1963 par Marlen Haushofer (1920-1970), ce roman est un chef d’œuvre insolite d’une étonnante modernité.

Le propos. Alors qu’elle passe un séjour enchanteur dans les Alpes autrichiennes, une femme se retrouve isolée dans un chalet. Durant la nuit, un phénomène étrange est apparu, bouleversant à jamais son existence : un mur transparent se dresse désormais à proximité de la propriété, la séparant du reste du monde. De l’autre côté du mur invisible, la vie s’est figée. Que va-t-elle devenir ? Comment va-t-elle survivre ?

Une héroïne forte. Alors que beaucoup auraient baissé les bras, soupiré à fendre l’âme, soufflé dans leurs joues, pleuré et re-pleuré de désespoir, cette femme fait le choix d’affronter sa nouvelle condition, de survivre coûte que coûte. Rien que cela. Entourée d’animaux dont elle a désormais la charge, elle garde au fond d’elle-même un espoir ténu qui la fait tenir debout : si elle est vivante, d’autres doivent également l’être, quelque part, et peut-être sont-ils déjà partis à sa recherche.

Un cadre enchanteur, une héroïne forte, une dose d’espoir qui fait vivre… Tous les ingrédients sont réunis pour faire de ce roman une expérience de lecture hors du commun. Ce livre n’appartient certainement pas à la catégorie des feel good books, mais il a l’avantage d’être profondément humain.

Marisa, 24 janvier 2018

Déneiger le ciel d’André Bucher

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Voilà aux éditions Sabine Wespieser un petit bonheur de lecture pour cette nouvelle année !

Vous le lirez sans doute d’une seule traite, et l’idéal serait de le lire au coin d’un feu, alors qu’il neige au dehors… Mais à défaut de montagnes et de flocons, l’auteur saura vous emmener, un 23 décembre, dans une rude nature qui confronte parfois l’homme à son histoire, ses limites et ses ressources.

L’histoire est celle d’une nuit bien insolite au fond d’une vallée reculée des Alpes… Pour la première fois depuis vingt ans, David ne partira pas déneiger les routes avec son tracteur. David est veuf. Il est seul dans sa ferme isolée et attend la visite de son « presque » fils. Le jeune homme a annoncé sa venue tardivement et a décidé de finir le trajet à pied, malgré la tempête. Le ciel n’est plus qu’un rideau de neige, le froid gèle les cascades. David s’inquiète…. Il part alors à la rencontre de ce « presque » fils, sur les chemins de silence et de glace.Lire la suite »

Emily de Stewart O’Nan

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J’ai beaucoup aimé Emily, le dernier roman de Stewart O’Nan. Nostalgique, jamais triste, à l’humour subtil, Emily dresse le portait sur une année d’une octogénaire vivant à Pittsburgh. Les saisons s’y écoulent lentement, avec quelques à-coups parfois, toujours sans urgence.

Les semaines d’Emily sont rythmées par deux rendez-vous immuables : la venue de sa femme de ménage, Betty, le mercredi et les déjeuners au Eat’n Park avec sa belle-sœur Arlène, le mardi. Ce n’est pas qu’Emily et Arlène soient particulièrement proches. En fait, c’est l’âge qui les a rapprochées. Et la solitude. Car Emily, c’est le portrait de la solitude des grandes villes d’aujourd’hui : elle vit seule dans une maison de banlieue, ses contacts avec ses voisins sont courtois, bien que rares…

Ses sorties hebdomadaires avec Arlène sont une aventure. Le roman s’ouvre d’ailleurs sur une scène hilarante où Arlène traverse Pittsburgh au volant de sa voiture, presque à l’aveuglette. Emily, assise à la place du co-pilote, est terrifiée, ne peut prononcer un mot pendant le trajet et est véritablement soulagée d’arriver au Eat’n Park, où grâce à des coupons de réduction, elles ne paieront qu’un repas sur les deux. Mais Arlène, prise d’un malaise, s’effondre, faisant subitement prendre conscience à Emily de sa dépendance et de la fragilité de l’existence. Emily choisit de lutter en s’achetant une voiture qui devient l’emblème de son indépendance et de son contrôle sur sa vie.

Et pourtant, elle attend. Elle attend les visites de ses enfants, Margaret et Kenneth, et de ses petits-enfants, qui sont les points d’orgue du roman. Les visites sont brèves, toujours un peu précipitées, mais intenses. Stewart O’Nan montre avec beaucoup de subtilité les efforts d’Emily pour ne pas reproduire l’éducation qu’elle a reçue de sa mère, ses incompréhensions des évolutions de la société, que ce soit le désir d’indépendance de sa fille Margaret ou l’homosexualité de sa petite-fille, et son regret de ne pas avoir été la mère qu’elle aurait voulu être.

Le roman aborde aussi le déclassement de la classe moyenne. Si Emily a réussi à s’extraire de son milieu social rural, sa fille Margaret, bien qu’ayant un emploi, a besoin du soutien financier régulier de sa mère pour subvenir à ses besoins, et ce malgré des conditions d’existence nettement inférieures. Car c’est cela aussi que décrit Stewart O’Nan : ce que la classe moyenne a perdu en deux générations dans une ville industrielle en déclin comme Pittsburgh.

Mais Emily est un roman à l’humour lumineux. Il s’immisce naturellement dans les scènes, comme celle où, après avoir goûté à la liberté que procure une voiture, Emily découvre les affres des réparations coûteuses et les franchises d’assurance…

Il y aurait encore tant de choses à écrire sur ce roman subtil : l’omniprésence du chien Rufus, vieux springer malade, qui est un personnage à part entière ; la musique classique, qui masque le silence de la solitude (le roman mériterait une bande-son…) ; les petits mystères qui jalonnent l’histoire comme cette femme nue en pleine nuit…

Florence, 01/06/2015

Lectures éclectiques (suite)

Hélène a dévoré les livres cet été. Sylvain Tesson, Julie Orringer, Alice Zeniter… En plus elle partage !!!

Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson
Sylvain Tesson, écrivain, membre de la société des explorateurs français, s’est fait connaître par un remarquable récit de voyage L’axe du loup : de la Sibérie à l’Inde sur les pas des évadés du goulag (éd. Robert Laffont) paru en 2004.
Dans les forêts de Sibérie raconte la retraite que l’auteur a choisi de vivre pendant six mois dans une cabane de trois mètres sur trois, située au bord du lac Baïkal en Sibérie.
Avec pour seule compagnie ses caisses de livres, de cigares et de vodka, notre aventurier fait l’expérience du dépouillement et de la solitude.Lire la suite »