En 1984, Cléo, issue d’une famille modeste, a 13 ans. Après un passage humiliant dans un cours de danse classique privé, elle s’inscrit à la Maison des Jeunes et de la Culture de son quartier à Fontenay, pour y faire du modern Jazz. Une révélation pour Cléo qui va s’impliquer au maximum. Alors quand Cathy, jeune femme chic venant de Paris, vient lui proposer d’obtenir une bourse délivrée par la fondation Galatée, Cléo et sa famille vont y voir l’opportunité de réaliser ses rêves de danseuse. Mais il s’agit d’un piège, un piège sexuel qui va se refermer sur elle et dans lequel elle va embarquer d’autres collégiennes.
En 2019, un appel à témoin est passé à la fois par la police et par une émission de télévision afin de retrouver les victimes de cette fondation.

Cléo est alors mère de famille, ancienne danseuse dans les émissions de télévision du samedi soir. Rattrapée par son passé, elle est rongée par la culpabilité d’avoir entrainé avec elle d’autres collégiennes et occulte complètement le fait d’avoir été une victime.
Tout au long du livre, Cléo et les personnes qui l’ont connue vont nous parler d’elle dans différentes étapes de sa vie. Cléo si différente selon le regard du narrateur. Cléo si changeante suivant l’époque et qui elle cotoie. Mais aussi Cléo, femme immature chez qui transparait toujours l’adolescente.
A l’heure où des histoires de pédophilie sortent, Lola Lafon axe son récit autour d’un système organisé où les prédateurs, personnes influentes, se servent de la vulnérabilité sociale de jeunes filles et de leurs familles. Les victimes comme Cléo se sentant coupables, rien ne ressort des déjeuners au cours desquels les jeunes filles sont censées passer des auditions. Seules restent l’humiliation et la souffrance pour ces adolescentes. Humiliation à court terme d’avoir été trompées, salies et de devoir mentir à leurs familles et amies pour expliquer pourquoi elles n’ont pas eu la bourse tant espérée. Souffrance à long terme d’avoir été abusées sexuellement.
Comme dans La petite communiste qui ne souriait jamais, Lola Lafon nous parle également du corps en souffrance de Cléo, des répétitions et des shows alors que les pieds et les organismes n’en peuvent plus. Il y a aussi les coulisses de ces émissions du samedi soir pleines de paillettes qui nous émerveillaient tant dans les années 80, 90 mais qui n’étaient guère reluisantes.
Le style franc, rapide, parfois froid de Lola Lafon nous happe directement, dès les premières pages. Les personnages nous parlent à la manière d’un reportage. Le style change d’un personnage à l’autre, ce qui peut être assez déroutant mais qui empêche toute lassitude.
J’aime beaucoup lire Lola Lafon et encore une fois, elle nous offre un très beau portrait de femme.
Edith, le 12 avril 2021