
Craig Johnson est connu pour la série de romans policiers qui met en scène le shérif Walt Longmire et son ami cheyenne, Henry Standing Bear et qui a été récemment déclinée en série télé. La question du bien et du mal est abordée à travers des personnages complexes et attachants et des intrigues bien ficelées.
La force des romans de Craig Johnson, ce sont les personnages que l’on y croise : un shérif obèse, dépressif et en proie au doute, et un barman d’origine cheyenne ancien commando d’élite de l’armée américaine dont la riche spiritualité est la pierre angulaire de la série. Les personnages secondaires ont des profils clairement définis et des caractères bien trempés : Vic, l’assistante du shérif aux expressions fleuries et spécialiste des armes à feu, Turk, le collègue peu apprécié souvent relégué au fin fond du comté…
Les personnages sont multidimensionnels, terriblement humains. Craig Johnson est attaché à ses personnages : « J’aime bien Walt Longmire. Il ne correspond pas au type beau et musclé car je déteste ce genre de type. Walt Longmire est un type réel. ». Pas de folklore non plus quand il décrit les Cheyennes et pour cause : « Il y a cette phrase ridicule au début de certains romans : cette histoire est basée sur des personnages non réels. C’est faux en ce qui me concerne. Dans mon comté, il y a 5 000 habitants, alors quand je crée un personnage tout le monde sait de qui je parle ! Qu’il s’agisse de ressemblance physique ou de spiritualité ! ».
Ce qui l’a poussé à écrire, c’est d’ailleurs l’histoire de Mélissa Little Bird, du roman éponyme, jeune Cheyenne souffrant du syndrome de l’alcoolisme fœtal, violée par quatre jeunes hommes blancs, tous acquittés par un jury « dans lequel ne figurait aucun Indien »… et que quelqu’un assassine un à un.
Situés dans le comté imaginaire d’Absaroka, dans l’état bien réel du Wyoming – le comté le moins peuplé de l’état le moins peuplé des États-Unis, nous dit la quatrième de couverture – les romans de Craig Johnson, font surgir la nature, en l’occurrence, le blizzard, le froid, la neige, et la place au cœur des histoires. Les sentiments des personnages sont aussi extrêmes que le climat est violent et tourmenté. Ici l’enfer, c’est le froid. Mais les paysages immenses et grandioses hypnotisent et embarquent le lecteur dans l’aventure.
Les dialogues sont efficaces, puissants, et le ton in fine optimiste. A l’image de leur auteur que nous avons rencontré lors de sa venue à Lire en Poche. Chapeau de cowboy vissé sur la tête, jean, boots et chemise à carreaux, le type est éminemment sympathique. Le style cowboy est clairement revendiqué : l’homme mâchonne ses mots, mais on a quand même compris ce qu’il a dit ! Rencontre avec un auteur venu tout droit des Rocheuses…
Vous écrivez des romans policiers qui tendent vers le western moderne… Dans quel genre vous situez-vous ?
Craig Johnson J’écris des romans policiers en premier. Des westerns, aussi. C’est une des joies de l’écriture que de pouvoir travailler entre ces deux genres. Mais ça devient problématique pour les gens qui ne savent pas quoi faire de mes livres, ils ne savent pas dans quel genre me mettre : western ou roman policier ? Vous savez, quand on se lance dans quelque chose, et ce quoi qu’on fasse, on a tous un passé, des bagages avec lesquels on compose. La difficulté avec ça c’est de faire quelque chose de nouveau…
Vous avez été shérif, votre expérience vous a-t-elle aidé dans la construction du personnage de Walt Longmire ?
J’étais officier de police dans une grande ville. C’était une expérience différente que celle d’un shérif mais j’ai passé beaucoup de temps avec des shérifs. La fonction de shérif permet une mise en application de la loi de manière très spéciale. C’est une fonction élective : vous n’êtes pas seulement un policier, vous êtes aussi un politicien. C’est pour ça que j’ai fait de Walt Longmire un shérif, pour qu’il soit connecté à sa communauté, aux gens. C’est sur ce genre de personnage que je voulais écrire.
Walt Longmire est en relation avec les Indiens de la réserve voisine. Comment avez-vous créé le personnage de Henry Standing Bear ?
Mon ranch est juste au sud de la réserve cheyenne. Ce sont mes voisins, mes amis. Certains sont de ma famille. Je voulais les inclure dans mes romans. Ç’aurait été affreux pour moi d’écrire un western contemporain sans les inclure dans le monde dans lequel je vis. J’ai tendance à utiliser de vraies personnes de la réserve dans mes livres. Je les trouve formidables, je ne peux pas m’en empêcher.
Comment ont-ils réagi ?
Les livres sont très populaires dans la réserve, et la série aussi. La raison principale est que je les y traite comme des êtres humains avant tout. Je ne leur mets pas un tampon sur le front sur lequel serait écrit « Indien ». Ce sont des êtres humains avec les mêmes passions, les mêmes peurs que n’importe qui. Tous les Indiens que je connais ont un grand sens de l’humour, ce qui a été souvent oublié et c’est important pour moi de le montrer dans mes livres, comme de montrer leur humanité.
Pensez-vous que le mythe de l’Ouest existe encore aujourd’hui ?
Oui, bien sûr. J’en suis la preuve vivante ! Je suis un cowboy et un auteur en train de donner une interview à côté de Bordeaux en France ! Ça prouve bien que tout peut arriver !
Êtes-vous satisfait de la série qui a été tirée de vos romans ?
Oui. Je suis creative consultant sur la série. J’ai la chance de travailler avec des gens extraordinaires qui m’ont laissé donner mon avis sur le scénario, les acteurs. Hollywood est un business comme les autres : si vous travaillez avec les bonnes personnes, vous aurez un bon produit; si vous travaillez avec les mauvaises, vous aurez un mauvais résultat. J’ai une chance extraordinaire de travailler avec des gens formidables.
Florence, 05/11/2015
J’ai eu la chance de le rencontrer dans son comté du Wyoming. C’est un homme rempli d’humour, très abordable comme le sont souvent les américains, et c’est un conteur formidable qui vous raconte des anecdotes sur toutes ses expériences, et c’est fascinant. La série n’est pas mauvaise mais ne ressemble pas trop aux romans. Et Walt n’est pas obèse ! Par contre Craig est un vrai écrivain. Et la traduction est d’excellente facture.
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Bonjour, où avez-vous été chercher que Walt Longmire est obèse ? Très grand et costaud, oui, mais obèse ? Des preuves SVP :).
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Bon, j’ai un peu exagéré en écrivant que Walt était obèse. Il est juste en surpoids et son ami Henry tente à grand peine de le faire courrir pour lui faire perdre quelques kilos…
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Merci pour cette interview. Ce type n’a vraiment pas la grosse tête et c’est bien agréable. J’ai très envie de m’offrir un de ses romans et de plonger dans son monde.
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