Le tort du soldat

le-tort-du-soldat-erri-de-luca-liseuses-de-bordeauxLe tort du soldat est le dernier roman paru d’Erri De Luca. Il est court, profond et sobre.

Un homme qui fut soldat dans l’armée nazie passe le reste de sa vie à craindre d’être rattrapé et jugé pour ce qu’il a fait. Après avoir fui quelque temps en Amérique latine, il revient à Vienne avec sa fille où il vit dans la peur. Il ne reniera jamais ses convictions nazies et considérera même que son seul tort est d’avoir été vaincu.

Erri De Luca fait de l’ex-soldat un homme banal, un facteur qui délivre le courrier chaque jour dans un centre dédié à la culture juive, « seule vengeance possible [qu’il ait trouvé] contre un criminel de guerre qui n’a pas été rattrapé par la justice »… Le face à face entre le criminel et sa fille est silencieux et distant. Ils ne se disputent jamais, ne se touchent jamais. Elle s’occupe de lui parce qu’il est son père, tout en tentant de construire sa vie malgré le poids de son passé. Elle choisit de poser nue devant des artistes quand son père n’arrivera jamais à quitter, même mentalement, son uniforme nazi…

Le roman est construit autour de deux voix, celle de l’écrivain et celle de la fille du soldat. L’auteur se cache probablement dans ces deux personnages… L’écrivain du roman est un combattant dont le rôle est « de rétablir le nom des choses » : un ghetto n’est pas un « district d’habitation » comme le prétendait les nazis… La fille du soldat permet de mettre en scène une génération, celle de de Luca, née après la guerre, génération qui doit inventer une vie après l’horreur.

Le tort du soldat traite aussi de deux manières de considérer la langue. L’écrivain traduit des textes en yiddish, pour l’espoir. Erri De Luca a appris le yiddish : « Je crois que ce n’est pas une langue morte. Je crois à la résurrection des langues. J’ai fait acte de résurrection en apprenant cette langue ». Le vieux soldat va apprendre le yiddish en étudiant naïvement la Kabbale, mais pour comprendre l’échec du nazisme et tenter de prédire le jour de sa mort.

Comme toujours chez Erri De Luca, le passé vient en écho du présent. Les souvenirs heureux de l’enfance de la fille se situent sur une île près de Naples, où vit l’auteur. Et il tente un parallèle plein de malice entre le yiddish et le napolitain, la langue de son enfance : « Deux langues de grande foule dans des espaces étroits ».

L’écriture d’Erri De Luca est puissante, physique et il fallait bien ça pour dire autant en si peu de pages : « Mes phrases ne sont pas plus longues que le souffle qu’il faut pour les dire ».

Florence

4 réflexions sur “Le tort du soldat

  1. +1, On m’a offert l’année dernière « Montededio », je l’ai ouvert sans conviction, et tout le reste y est passé en quelques semaines! C’était sans doute LA rencontre de L’Escale (malgré la modératrice…) et je vous envie d’avoir pu prendre un café avec lui!

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  2. Un beau personnage prolongé par un magnifique écrivain. Heureusement Indissociables. Il faut lire Erri de Luca… C’est un privilège et, surtout, un plaisir dont il serait vraiment dommage de se passer!

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  3. Je viens de finir « Les poissons ne ferment pas les yeux » de Erri de Luca, un très beau texte sur le passage de l’enfance à l’adolescence. Tu me donnes envie de continuer mon chemin auprès de cet auteur, avec « Le tort du soldat ». Merci Florence.

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