Lire en Poche : le petit-déjeuner avec Véronique Olmi

Véronique Olmi est arrivée en me questionnant « Alors comment ça se passe » ? Elle ne connaissait pas cette formule qui permet à dix personnes de vivre un moment intime avec un auteur et qui fait partie d’un des moments forts de ce salon du livre. Après le petit-déjeuner, elle m’a dit avoir été ravie. Les lecteurs présents avaient des questions et des émotions à partager avec elle et l’écrivaine nous a dévoilé ses secrets d’écriture.

Comment est né le personnage de Joseph dans Le Gosse ?
Au départ, j’ai voulu écrire un livre où Jean Genet aurait été la figure importante. Cet auteur est passé par la colonie pénitentiaire de Mettray. J’ai donc travaillé un an sur Jean Genet, sa vie, son œuvre. Et puis je suis allée plusieurs fois à Mettray. Ce bagne pour enfants n’a pratiquement jamais fermé et c’est aujourd’hui un centre pour jeunes en difficulté. Certains réfectoires sont ouverts et d’autres sont en cours de réfection.
Pour moi, c’est souvent la nuit que les choses se décantent et un matin, je me suis dit qu’il n’y aurait pas Jean Genet dans mon roman. Je n’avais pas mon personnage principal, ce n’est pas simple, il faut trouver son origine, son parcours, pourquoi il arrive à Mettray, de quel milieu il est, etc. J’avais un livre de photographies sur Mettray, où il y avait une photo d’un jeune colon avec son uniforme. Il avait un regard triste et indescriptible. La légende sous la photo disait : « Ce colon a tellement peur de ne plus faire partie de la fanfare de Mettray qu’il s’est assagi« . J’avais trouvé Joseph. Je suis allée à la musique de l’infanterie de Lille pour comprendre le fonctionnement d’un orchestre, des instruments à vent, j’ai même tenté, sans succès, d’apprendre à jouer du cornet à piston ! Ensuite j’ai construit le personnage. Je voulais que sa mère fasse partie de cette population qui, après la grande guerre, a envie de profiter de la vie. C’est l’époque des guinguettes, du music hall où les gens avaient envie de vivre ensemble, d’être heureux. Je voulais que Joseph commence sa vie dans la joie. C’est ainsi que se construit un personnage. Cette enfance va lui permettre de résister à ce qu’il va traverser. Il y a donc toute une construction lente pour ça. Il devait être unique et ne pas correspondre à des clichés. Je cherche à trouver une cohérence au fait qu’il existe.

Comment est née l’envie d’écrire sur Bakhita ?
Pour Bakhita, c’est un détail dans son parcours qui m’a permis de bâtir cette biographie romancée. Elle a survécu à tout mais Bakhita n’est pas son vrai nom, elle n’a jamais réussi à se rappeler de son nom de naissance. Pour moi, on ne peut pas survivre à ça. Dans la seconde où je lis ça, je ressens un coup de foudre pour cette femme et j’ai cherché à en savoir plus sur elle. Je n’ai trouvé aucun livre sur elle, alors j’ai décidé de le faire. J’écris toujours sur ce que je comprends pas.
Les personnes qui ont traversé l’horreur et qui aiment la vie. Les gens qui sont le témoignage mais pas dans la revanche, qui aiment et vont vers les autres, ce sont des choses que je ne comprends pas. Joseph correspond à tout ce que j’ai pu lire comme témoignage de personnes qui sont passés par les bagnes pour enfants.
Pour Bakhita, ma grande question, ma grande angoisse, c’était d’arriver à son adolescence. Quand un corps a autant été sexualisé, objectivé, une source de souffrance, d’agression permanente, ça doit être terrible de voir son corps se transformer. C’est une introspection qui me fait plonger avec le personnage jour et nuit. C’est un apprivoisement mais il y a plein de mystères qui restent. Le Vatican possède des témoignages de gens qui ont connu Bakhita, ils disent que tous les soirs, elle regardait la nuit. C’est un mystère que je n’ai jamais résolu. Dans une vie d’esclave, le temps ça compte, or elle prend le temps.
Bakhita, comme Joseph, a été aimée par ses parents. C’est un socle essentiel. Et elle a une force mentale exceptionnelle.

Écrire pour moi c’est plus pour poser des questions que pour chercher à les résoudre. Si j’écris sur un sujet qui me révolte , je cherche à savoir quelle est cette origine du mal. Lorsque cela me perturbe et que je me sens concernée alors je considère que ça mérite d’utiliser la littérature pour en parler.
Il y a des livres qu’on écrit qui sont plus marquants et qui influencent la suite et nous changent, autant l’auteur que le lecteur. C’est ce qui est génial dans ce métier, on apprend toujours des choses !

Babeth, octobre 2023

Vous voulez réagir à ce post ?