Florence Aubenas était la présidente du salon Lire en Poche 2022. Et j’ai eu la chance d’animer le petit-déjeuner littéraire auquel elle participait. Souriante, très à l’écoute, on sent que c’est une femme qui sait ce qu’elle veut. C’est la curiosité qui la fait avancer. « C’est plus fort que moi » dit-elle. Florence Aubenas a besoin d’être là où se trouve l’actualité. Que ce soit en Ukraine ou à Montréal la Cluse (L’inconnu de la poste), elle va au cœur des problématiques. Elle nous parle de la responsabilité du journaliste. Où se trouve la vérité ?
Ça dépend où l’on regarde. On me pose beaucoup cette question pour l’Ukraine : la guerre ça doit être compliqué. C’est vrai quand on est au front, et 20 km à côté où il n’y a pas de bombe, tout va bien. Ce qui est difficile dans notre métier, c’est de ne regarder qu’à un seul endroit, et de ne regarder que d’un point de vue idéologique. On ne ment pas en donnant un seul aspect, mais on ne donne qu’un aspect, et la difficulté c’est de ne pas montrer un événement hors contexte. Pour les gilets jaunes, les forces de l’ordre en ont bavé, mais si on ne parle que des forces de l’ordre on est à côté de la plaque. Le grand danger de notre profession, c’est d’aller chercher ce qu’on trouve.
Florence Aubenas est aussi saluée pour sa polyvalence. Elle raconte souvent l’histoire de personnes qui ne font pas la une. Dans L’inconnu de la poste, enquête sociologique sur le meurtre d’une postière où un comédien césarisé est accusé, Florence Aubenas ne cherche pas à savoir qui est le coupable. Elle s’intéresse à l’impact de ce drame sur chaque personne qui connaissait la victime.
Dans La méprise, elle revient sur l’affaire d’Outreau et s’intéresse aux personnes accusées et accusantes pour parler du mensonge. Un extrait percutent du livre : « Quand je niais, je n’étais rien, on ne m’écoutait pas. Quand je me suis mis à mentir, à lui dire ce qu’il voulait entendre, j’existais.«
Et puis il y a Le Quai de Ouistreham qui fait beaucoup parler pendant ce petit-déjeuner. La journaliste était entrée dans la peau d’une femme de ménage pour comprendre la crise de l’intérieur. Plusieurs personnes présentes ont aussi fait un travail d’immersion. Cela donne lieu à de touchants échanges. Florence Aubenas explique pourquoi elle a choisi ce type d’enquête.
Les témoignages sont très différents selon comment vous vous présentez : on ne dit pas la même chose à une journaliste qu’à une collègue. Quand on est journaliste on suscite quelque chose qui ressemble à la plainte. On dit au journaliste ce qui ne va pas. Il y a comme une gêne à dire « J’aime ce métier, je suis là par ambition », il y a autant de gens ambitieux, frustrés, contents que dans la presse bizarrement.
Une des lignes rouges en tant que journaliste est de ne pas devenir copine avec l’une des filles. Florence Aubenas n’allait pas aux invitations de repas, sorties. Elle est devenue très copine avec certaines d’entre elles après la sortie du livre.
Comme d’habitude, la demi-heure passe trop vite. La journaliste tient absolument à échanger avec chaque personne présente. C’est une rencontre qui laissera à chacun, un souvenir marquant.
Babeth, novembre 2022