Vinegar Girl

Pour un roman dont le titre est Vinegar Girl, que l’on pourrait traduire littéralement par « une fille au vinaigre », celui-ci est charmant et délicieusement sarcastique.

Kate Baptista manque de diplomatie. Elle dit ce qu’elle pense sans prendre le soin d’enrober ses propos dans un peu de courtoisie. Elle va au plus direct dans ses relations comme dans sa manière de manger du bœuf séché : en le découpant aux ciseaux. Ce manque de tact cache (à peine) une existence morne, plus subie que choisie. A trente ans, elle vit toujours chez son père, un scientifique distant plus intéressé par ses sujets de recherche que par ses filles, et tente sans véritable succès d’élever sa jeune sœur Bunny. Elle occupe un emploi d’assistante dans une école maternelle… par défaut.

Le moins que l’on puisse dire, c’était que Kate n’avait jamais envisagé de travailler dans une école maternelle. Cependant, au cours de sa deuxième année d’université, elle avait dit à son professeur de botanique que son explication de la photosynthèse était « foireuse ». Une chose en entraînant une autre, on avait fini par lui demander de partir. 

Son destin prend étonnement un tour nouveau lorsque son père la presse d’épouser Piotr, son assistant de laboratoire de nationalité russe, dont la date d’expiration du visa approche.

Ce roman est le résultat d’une contrainte fixée à Anne Tyler par son éditeur : écrire une version contemporaine de La Mégère apprivoisée de Shakespeare. Pour celle qui a déclaré ne pas aimer Shakespeare et encore moins sa comédie plutôt misogyne, le moins que l’on puisse dire est qu’elle réussit à la moderniser. Dans la version d’Anne Tyler, il n’est plus question de priver Kate de sommeil ou de nourriture pour la contraindre à se marier. L’auteure invente une intrigue autour d’un mariage blanc, à laquelle elle intègre des éléments contemporains comme le véganisme et l’utilisation des téléphones portables.

Lundi 13h13
Salut Kate ! Nous sommes cherché la licence pour le mariage !
Qui ça, nous ?
Ton père et moi
Alors tous mes vœux de bonheur.

Le rythme est enlevé et le sens de la répartie jouissif. Le portrait qu’Anne Tyler fait de Kate est subtil et la rend attachante. Reconnue pour son adresse à décrire les relations familiales, elle ne déçoit pas avec Vinegar girl : les va-et-vient constants entre désintéressement et égoïsme qui régissent les rapports familiaux sont vus avec finesse et intelligence.

J’ai mis un peu de temps à comprendre que l’action se situait de nos jours et non dans les années 50… Kate ne me semblait pas assez émancipée pour être vraiment contemporaine. Mais Anne Tyler se sort convenablement de ce mariage imposé qui faisait partie de la contrainte et qui est, reconnaissons-le, assez difficile à moderniser, en posant une question dérangeante : le mariage peut-il permettre de trouver sa liberté ?

Vinegar girl offre une lecture légère et piquante. On referme ce livre avec le sourire.

Florence, 9 octobre 2018

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