Le 22 avril, les Liseuses ont participé à une sortie organisée par le Festin, que vous connaissez sans doute pour sa revue trimestrielle qui nous emmène à découvrir les multiples facettes de notre patrimoine régional. Dans le cadre de ses actions de communication et lien avec ses lecteurs, le Festin organise des visites guidées en partenariat avec diverses associations.
C’est à ce titre que nous avons été invitées pour une petite excursion en bateau au départ de Bordeaux vers l’Ile Nouvelle. A 9 h nous voilà embarquées, Babeth et moi, pour deux heures à bord de la Sardane, vers le bec d’Ambès. Pendant cette navigation, nous avons lu des extraits des ouvrages Le sentiment de l’estuaire de Chantal Detcherry et Le fleuve impassible de Pierre Siré, tous deux parus aux éditions du Festin. Nous avons ainsi voyagé, avec une petite cinquantaine de flâneurs lecteurs, vers ces îles relativement méconnues du public d’aujourd’hui, parsemées dans l’estuaire girondin, et nous avons fait une halte de quelques heures sur l’Île Nouvelle.
Halte balade, avec une visite organisée par des guides naturalistes du Conseil Régional, pour nous plonger au cœur du printemps dans un biotope tout à fait préservé, à l’abri des hommes. Grenouilles et oiseaux en fête, parmi les marais, herbes, roseaux, iris et autres fleurs sauvages… L’Ile Nouvelle est aussi un village qui abritait une activité viticole importante pendant les années de phylloxéra. Les terres étant en effet immergées par le jeu d’écluses, le champignon ne résistant pas, la vigne pouvait être ainsi préservée.
Pour les flâneurs et découvreurs de lieux un peu retirés et habités par l’histoire, l’Ile Nouvelle est une propriété protégée par le Conservatoire du littoral à découvrir sans tarder. Accessible par bateau au départ de Bordeaux, Blaye, Cussac-Fort Médoc, et Vitrezay… Marchez le nez au vent, sans oublier vos jumelles, et une paire d’oreilles affutées pour écouter le chant des spatules…
Pour parler un peu de ces deux ouvrages :
Chantal Detcherry, professeur de littérature à la faculté de Bordeaux et auteur, nous offre une balade au cœur de l’estuaire et nous révèle la poésie et la magie des lieux de son enfance. La mer de Gironde est un espace immense et secret. Pour qui sait observer et occuper sa place avec humilité, les chants des oiseaux, les chemins herbeux et les effluves salines se mêleront à un passé raconté, animé par les gens du pays Gabaye qui ont disputé à la mer cet archipel de terres limoneuses. Le récit oscille entre poésie, mythe et histoire avec des belle pages, sources de rêveries et de méditation.
Le fleuve impassible
Pierre Siré, ancien avocat et bâtonnier, s’est fait écrivain vers ses quatre-vingt ans pour rendre hommage à la terre de ses grands-parents chez qui il passait ses vacances. Pierre Siré n’hésite pas à y glisser quelques paroles piquantes à propos des rares écrivains qui ont décrit ces lieux et qui ont qualifié ces terres humides de lieux insalubres ou habités de sortilèges (Pierre Benoit et François Mauriac notamment).
L’auteur conte l’île verte dans une langue classique et précise, mais le récit n’en perd pas le langage des sens et des émotions. Il décrit les gens, vignerons, paysans, pécheurs, marins, mais aussi la marée, le « noroit », « l’aubarède »… Il nous emmène avec tendresse vers ses amitiés d’enfance, dont le menuisier de l’île Michaut et le marin Duffourg avec lesquels il a puisé moult savoir-faire. Il raconte sa grand-mère, qui se passionne pour l’horticulture, coud ses robes, et réalise le tirage des épreuves photographiques dans la lingerie transformée en atelier polyvalent. Et son grand-père qui prend le bateau à vapeur pour descendre de Blaye à Bordeaux, pour traiter ses affaires… Nous découvrons ainsi la vie sur l’île, celle de l’estuaire, et les liens entre la ville de Bordeaux et ces contrées de nature, dans une période de l’histoire qui aura duré à peine une cinquantaine d’années.
Voilà ainsi deux livres à la fois poétiques et historiques qui éveilleront votre curiosité et sauront vous accompagner vers une excursion au-delà du bec d’Ambès au cœur de la mer de Gironde, cette vaste étendue d’eau dont on ne soupçonne pas l’immensité.
Laetitia, 13 mai 2017