de Laura Kasischke, Christian Bourgois, 2000
Publié en 1999, Un oiseau blanc dans le blizzard est le deuxième roman de Laura Kasischke. Connue pour ses poèmes, pour lesquels elle a obtenu de nombreux prix, Laura Kasischke a publié un premier roman en 1997, A suspiscious river. Elle est née en 1961 dans le Midwest où elle vit encore aujourd’hui et où se déroulent les intrigues de ses romans.
Avec Un oiseau blanc dans le blizzard, Laura Kasischke décrit la vie routinière et les sentiments d’une femme, Eve Connors, à travers le souvenir de sa fille. Eve est une femme au foyer, mariée, qui vit dans une petite ville proprette du Midwest où les valeurs traditionnelles sont très fortes. Un jour, elle part. Elle téléphone à son mari pour lui dire qu’elle ne reviendra pas. Katrina, sa fille adolescente, se souvient d’elle, de son ennui, de son aigreur, de son ressentiment, aussi ; et du mépris qu’elle avait pour son père.
Ce roman donne la parole à une adolescente, Katrina, qui en est la narratrice. L’adolescence comme début de toute histoire humaine est un thème récurrent chez Laura Kasischke. Pour Katrina, l’entrée dans l’âge adulte coïncide avec la fuite de sa mère. Pendant les trois années qui suivent son départ, le lecteur entend la voix de Katrina, ses doutes et ses peurs, voit ses rêves hantés par sa mère. On la voit se chercher, essayer de comprendre et se dépasser jusqu’à ouvrir ses yeux, lucides, sur la réalité. A travers sa découverte de la séduction et de la sexualité, le lecteur comprend certaines valeurs conservatrices de la société américaine, très influentes dans le Midwest et dans lesquelles était enfermée sa mère au point de ne pouvoir s’en sortir.
Un oiseau blanc dans le blizzard est tiré d’une histoire vraie qui a eu lieu dans le Michigan. Laura Kasischke essaye de comprendre ce fait divers de manière rationnelle en resituant chaque personnage dans son contexte et son époque. Sa force est de ne pas juger ses personnages. Elle ne se pose pas en donneuse de leçon. En auscultant Eve et sa famille, elle décrypte la vie de personnages ordinaires à qui il arrive des choses extraordinaires. Soumise en apparence, Eve semble formatée par la routine et en proie à une forme d’aliénation conjugale et domestique. Mais elle est habitée par des rêves qui la dépassent et n’a pas assez d’imagination pour se sortir de cette situation de manière moins tragique.
Les personnages et les situations sont décrits avec infiniment de poésie. Le lecteur ressent la sensation physique des lieux, des expériences. « […] L’hiver nous est tombé dessus en petits fragments célestes brillants d’oxygène et d’éther, qui viennent frapper le sol comme de minuscules éclats de verre froid ». Les saisons soulignent la trame dramatique de ce roman qui se passe en hiver, le printemps n’arrivant qu’à la fin et soudainement. Laura Kasischke nous fait ressentir la violence et la rapidité du passage de l’hiver au printemps dans le Midwest et leurs échos sur les personnages.
Poétique, sensible, humain, ce roman nous plonge au cœur de la middle class américaine (mais pas seulement américaine) et nous fait découvrir l’envers du décor du rêve américain.
Florence
C’est le premier livre que je lis de cette auteure, et j’aime beaucoup son style. Par contre, ce qui m’a gênée, dans ce roman, c’est la distance qu’elle prend avec les protagonistes. « Sa force est de ne pas juger ses personnages », écris-tu dans ta critique. En gardant cette neutralité, je trouve que Laura Kasischke enlève un peu d’humanité à ses personnages, les enduit d’un vernis qui empêche le lecteur de les comprendre, qui lui ôte l’envie d’éprouver de l’empathie pour eux.
J’aimeJ’aime