Autour de la table ronde : Jean HEGLAND, Rodrigo BLANCO CALDERON, Yara EL-GHADBAN
Parmi les personnages principaux des derniers romans de ces trois auteurs : la forêt (Jean HEGLAND, Le temps d’après), des flamants roses (Yara EL-GHADBAN, La danse des flamants roses), des chiens abandonnés (Rodrigo BLANCO CALDERON, De l’amour des chiens).

Ils se déroulent dans des contextes d’atteinte de bout du monde, d’un monde contraint à se réinventer, contextes post-apocalyptiques ou presque même si l’on ne sait pas toujours en quoi a consisté l’Apocalypse. Au Vénézuela dont est natif R. Blanco Calderon, ce sont 9 millions de compatriotes qui ont quitté le pays rappelle-t-il, avec pour conséquence l’abandon d’un nombre considérable d’animaux domestiques et le projet d’ouvrir une improbable fondation pour les prendre en charge. L’occasion pour R. Blanco Calderon de faire référence à la magnifique citation d’une poétesse uruguayenne dont je n’ai malheureusement pas réussi à prendre le nom à la volée :
Puisque tu n’es à l’abri de rien, essaie toi-même de sauver quelque chose.
C’est bien de cela dont il s’agit dans ces trois romans, de sauver ce qui peut l’être, et plus encore de nouer des liens jusque-là inconnus, jamais expérimentés, avec la forêt devenue unique ressource et rempart contre les dangers, avec le monde animal, avec le vivant de manière plus générale, et avec les autres hommes dans un cadre d’existence intégralement transformé. Y. El-Ghadban voulait ainsi faire du territoire palestinien le lieu du début d’une autre histoire, rappelant au passage la force inépuisable de l’espoir à ses yeux :
Si l’espoir n’était pas si puissant, il n’y aurait pas tant de tentatives de le tuer.
Comme elle le dit, ce n’est rien de moins qu’une utopie qu’il s’agissait pour elle d’écrire.
J. Hegland ne dit pas autre chose lorsqu’elle affirme que « les histoires sont les manières dont les êtres humains arrivent à trouver du sens », dès lors écrire est pour elle nourrir l’ambition de « trouver les histoires les plus utiles pour aider l’humanité ». Chaque récit est initiatique en somme et J. Hegland impute au « fait d’avoir adhéré aux mauvaises histoires » l’état dans lequel se trouve actuellement son pays, les Etats-Unis. Cependant, sa pensée va encore au-delà car à la question de savoir si elle serait tentée d’écrire de la non-fiction, sa réponse est nette :
« La non-fiction, c’est bien pour les faits ; la fiction, c’est bien pour la vérité ». Si la fiction est plus proche de la vérité que ne l’est le simple récit des faits, c’est parce que ces trois écrivains croient à l’invention des possibles et au pouvoir transformateur des histoires que l’on se raconte. Qu’est-ce que la réalité au fond, si ce n’est le possible que l’on a choisi de voir advenir ?
France, juin 2025