Tarentule d’Eduardo Halfon : prix Médicis Etranger 2024

« Ils nous ont réveillés en criant. Nous étions couchés sur nos lits de camps dans l’immense tente verte. Pas un des douze ne se risquait à ouvrir la bouche. Pas un n’osait bouger dans son sac de couchage. J’ai tourné la tête dans le lit d’à côté. Dans la lumière opaque de l’aube, j’ai trouvé le visage de mon frère qui, lui aussi, me contemplait, m’interrogeant du regard sur ce qui se passait dehors, ce que signifiait tous ces cris…Quelqu’un s’approchait de notre tente… Sur le seuil se dressait la silhouette de Samuel Blum, notre instructeur, notre ami et protecteur inconditionnel, mais à présent vêtu d’un uniforme noir, une matraque à la main, éructant des cris et des ordres qu’aucun enfant allongé-là ne comprenait. Sur son bras gauche- il m’a fallu un moment pour m’en rendre compte-marchait une énorme tarentule. »

Ce qui m’a en premier lieu attirée vers ce livre, c’est cette couverture. Ce jeune enfant casqué, au garde à vous et tenant une arme aussi haute que lui, ça dérange. Il a ce regard dur et défiant d’un être qui a vu et vécu des choses trop difficiles pour son âge. Il m’a saisie quand je suis passée devant le rayonnage, et m’a surtout interrogée. J’ai eu besoin d’en savoir plus, j’ai acheté ce livre de cet auteur que je ne connaissais pas et je ne l’ai pas lâché. Un livre qui mérite selon moi l’honneur qui lui a été fait.

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Souvenirs dormants


« Paris, pour moi, est semé de fantômes, aussi nombreux que les stations de métro et tous leurs points lumineux, quand il vous arrivait d’appuyer sur les boutons du tableau de correspondances. »

Où s’en vont les visages et les voix des personnes rencontrées dans le passé, lorsqu’elles sont hapées dans le gouffre de l’oubli ?

Inlassablement, Patrick Modiano continue dans Souvenirs dormants son travail d’introspection mémorielle, évoquant le Paris de sa jeunesse. Cette fois, les figures féminines refont surface, fantômes qui hantaient déjà, pour certains, les romans plus anciens de l’auteur.
Les souvenirs fugaces liés à ces femmes surgissent du néant, au détour d’une rue, exhumés devant la façade d’un immeuble, dans un café, ravivés par la lecture d’une dédicace ou d’une note griffonnée à la hâte à l’encre bleue.

Petites bulles de passé éclatant sous l’effet du hasard, ces morceaux de mémoire constituent un magnifique hommage à Paris, lui redonnant un peu de son âme perdue.

Marisa, 4 novembre 2019

Déneiger le ciel d’André Bucher

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Voilà aux éditions Sabine Wespieser un petit bonheur de lecture pour cette nouvelle année !

Vous le lirez sans doute d’une seule traite, et l’idéal serait de le lire au coin d’un feu, alors qu’il neige au dehors… Mais à défaut de montagnes et de flocons, l’auteur saura vous emmener, un 23 décembre, dans une rude nature qui confronte parfois l’homme à son histoire, ses limites et ses ressources.

L’histoire est celle d’une nuit bien insolite au fond d’une vallée reculée des Alpes… Pour la première fois depuis vingt ans, David ne partira pas déneiger les routes avec son tracteur. David est veuf. Il est seul dans sa ferme isolée et attend la visite de son « presque » fils. Le jeune homme a annoncé sa venue tardivement et a décidé de finir le trajet à pied, malgré la tempête. Le ciel n’est plus qu’un rideau de neige, le froid gèle les cascades. David s’inquiète…. Il part alors à la rencontre de ce « presque » fils, sur les chemins de silence et de glace.Lire la suite »

Station Eleven, roman post-apocalyptique

emily-saint-john-mandel-station-eleven-liseuses-de-bordeauxStation Eleven d’Emily Saint John Mandel est un roman post-apocalyptique qui m’a fait passer un bon moment, bien que je ne sois pas familière du genre.

Station Eleven commence par une fin spectaculaire : la mort sur scène d’un acteur – Arthur Leander – interprétant le Roi Lear. Un secouriste – Jeevan Chaundhary – monte sur scène pour lui porter les premiers secours, sous les yeux d’une fillette de huit ans – Kirsten Raymonde – actrice au rôle muet. Les trois personnages principaux du roman sont réunis dans cette scène, juste avant qu’une catastrophe beaucoup plus grande chamboule l’ordre du monde : une épidémie de grippe décime la population et impose une réorganisation de la société.Lire la suite »