Nous traverserons des orages, d’Anne-Laure Bondoux

Comme je te l’ai dit, Saule, il n’y a pas de héros dans notre histoire. Seulement des hommes que la violence du monde laisse sans voix.

C’est avec délectation que j’ai lu les presque 500 pages du roman Nous traverserons des orages d’Anne-Laure Bondoux. Comme dans beaucoup de ses romans, il est question d’héritage familial. Nous suivons quatre générations sous l’angle des personnages masculins de 1914 à 2022. Anne-Laure Bondoux propose au lecteur de faire l’expérience de ces destinées d’hommes qui au début de leur vie sont lumineux, positifs mais que les évènements (traumatismes à la guerre, accidents ou non-dits) et les injonctions faites en fonction des époques transforment, les entrainant parfois vers la violence ou l’alcoolisme. C’est un roman sur la difficulté de vivre, sur les secrets de famille qui laissent des traces où les humiliations et la vengeance entraînent l’être humain dans la part sombre de l’humanité.

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A ceux qui ont tout perdu d’Avril Bénard

Je viens de finir de lire « à ceux qui ont tout perdu ». Comme une pelote de laine, je tire sur la ficelle mais je n’en vois pas le bout.

D’abord j’ai lu : une histoire d’exode, de guerre et de fuite urgente. Des soldats sont dans la rue, il faut partir pour fuir les massacres et les bombardements. On découvre les habitants d’un immeuble, chapitre après chapitre nous découvrons des habitants du quartier. Chacun est décrit avec précision, son intimité et ses préoccupations. Le bon et le mauvais de chaque individu se révèle. La première personne à laquelle je me suis attachée, c’est la femme de Paul. C’est terrible quand même…On ne connait pas son prénom. Elle semble invisible et pourtant elle a occupé une grande place dans ma lecture. Je continue à l’imaginer dans ce bus qui l’emmène on ne sait où…

Il s’est lassé de cette femme. Il avait perdu son alliance. Il avait pris un chien.

Il s’était lassé du chien aussi.

Elle, cette femme, on ne l’entend jamais. Elle est la pudeur même. Elle vient de cette époque où la féminité doit se taire ou dire oui. Une larme d’elle, il faut aller la puiser. Une larme, pas plus, mais énorme, et qu’elle essuie très vite comme si ça n’avait pas eu lieu. Du revers de la main, et ce revers est alors mouillé à la place de la joue. Elle essuie ce revers sur sa jupe. C’est comme de voir pleurer un oiseau, c’est rare.

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Les liseurs de Daraya

 

C’est une photo qui est à l’origine de l’écriture des Passeurs de livres de Daraya. Une photo qui interroge Delphine Minoui, grand reporter spécialiste du Moyen-Orient. C’est une quête qui commence alors pour elle. Elle veut savoir, elle veut comprendre. Utilisant les réseaux de communication modernes, elle retrouve la trace des personnes photographiées, ces jeunes Syriens entourés de livres qui bouquinent alors qu’une pluie de bombes détruit tous les jours leur cité.
Dès 2011, Bachar-al-Assad fait croire aux Occidentaux qu’il est le seul rempart contre Daech et que Daraya est un nid de terroristes qu’il faut éliminer. Or, l’armée syrienne libre est apparue dans le seul but d’obtenir le respect des droits de l’homme. Ces jeunes gens d’une vingtaine d’année se sont révoltés contre les injustices dans leur pays. Leurs actions se veulent non-violentes et on les a fait passer pour des djihadistes pour cautionner ces bombardements. Alors pour survivre et s’éduquer, ils décident de construire une bibliothèque souterraine et clandestine, ouverte à tous. Ils récupèrent dans les logements détruits et abandonnés des ouvrages de toutes sortes, en prenant soin d’inscrire sur la première page le nom du propriétaire, espérant qu’un jour les livres leur reviendront.

« Face aux bombes, la bibliothèque est leur forteresse dérobée. Les livres, leur arme d’instruction massive ».

Ce sera un lieu d’échanges qui va les rapprocher. La plupart n’aimaient pas lire auparavant, mais ils découvrent avec cette bibliothèque secrète le pouvoir de la lecture.

« Les livres nous ont sauvés. C’est notre meilleur bouclier contre l’obscurantisme ».

A travers ce récit, Delphine Minoui nous fait partager le drame de ces habitants pris au piège d’une guerre qu’ils n’ont pas voulue. Par son empathie, elle vit avec eux et nous fait vivre le drame de leur situation. On pourrait presque les entendre se parler. On imagine les photos prises au risque de leur vie pour témoigner de la cruauté syrienne. Chaque nouvel épisode nous fait frémir d’inquiétude. Et malgré la terreur qui règne, je suis admirative de leur joie de vivre. Même lorsqu’en 2016 des centaines de bus viennent les évacuer presque morts de faim, l’un d’entre eux se sent grandi de cette tragédie. Cette bibliothèque les a aidés à tenir le coup.

« Si les livres ne peuvent soigner les plaies, ils ont le pouvoir d’apaiser les blessures de la tête. Le livre ne domine pas. Il donne. Il ne castre pas. Il épanouit. »

Ahmad, Abou-El-Ezz, Shadi, Omar Abou Anas, Hussam Ayash : en écrivant les noms de ces bibliothécaires d’un temps, je souhaite prendre le relais de Delphine Minoui pour continuer la chaîne de vérité contre la dictature.

Les passeurs de livres de Daraya. Une bibliothèque secrète en Syrie, de Delphine Minoui

Babeth, 15 septembre 2019

Le fer et le feu de Brian Van Reet

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La tragédie du 11 septembre a poussé de nombreux jeunes Américains à s’engager dans l’armée, traumatisés par ce que venait de vivre leur pays, ressentant l’urgence d’agir pour défendre les Etats-Unis et l’Occident.
Parmi eux figurait Brian Van Reet, 20 ans, originaire de Houston. Il s’engage en novembre 2001 et part se battre en Irak. Il y restera quatre ans.

« Je n’avais jamais vraiment songé à rejoindre l’armée en temps de paix, mais j’ai été assez fou pour le faire quand la guerre a éclaté. Ce n’était pas tant pour venger les attentats que par inconscience. C’était une sorte d’acte autodestructeur, je voulais voir le côté sombre de la nature humaine, sentir la mort de près. Je viens d’une famille de militaires : mes deux grands-parents paternels étaient dans l’armée. »

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