Les terres indomptées de Lauren Groff

Les terres indomptées, de l’écrivaine américaine Lauren Groff, est à la fois un roman d’aventures, une fable écologique et féministe, une fiction historique. 

 Le grand intérêt du roman réside avant tout dans l’écriture magnifique et dense, nourrie de métaphores, qui emprunte son rythme et certaines tournures à la langue anglaise du 17e siècle, la langue de Shakespeare. Texte remarquablement traduit par la traductrice Carine Chichereau qui s’est particulièrement attachée à la musique du texte de Lauren Groff pour l’exprimer en français. C’est une langue propre à jeter des ponts entre réalité et surnaturel. Elle donne vie à l’imaginaire et traduit la symbiose entre les différentes formes du vivant. 

 Transporté par cette langue pleine de vitalité, le lecteur accompagne, tout au long des 250 pages du roman, une jeune fille dans sa course éperdue. Pour échapper à la violence des hommes, celle-ci s’est engagée dans une contrée sauvage où se déploie une nature écrasante et inviolée, juste peuplée ici et là par quelques tribus indigènes, le peuple de ces lieux, qui y ont trouvé leur place.  

Lire la suite »

Trust, d’Hernan Diaz

Un aparté pour commencer : j’ai lu Trust (prix Pulitzer 2023) sur liseuse, tant et si bien que je n’en ai pas vraiment perçu la structuration et les différentes formes des parties avant de le commencer. J’ai ainsi débuté ma lecture sans préconception ni vision d’ensemble et je dois dire que compte tenu de la nature de ce roman, cela a sans doute contribué à accroître ma surprise et mon plaisir de lecture. A contrario du livre papier que l’on commence par soupeser, feuilleter, s’approprier pour savoir si l’on est susceptible d’aller au bout ou non, sur liseuse, on se jette finalement sans trop savoir où l’on met les pieds et je me rends compte que cela rend beaucoup moins réticent, frileux… !

Lire la suite »

Le passager, de Cormac McCarthy

Ce roman publié par Cormac McCarthy seize ans après son dernier livre, et juste avant Stella Maris, est tel la somme d’un tout qui n’est pas toujours identifiable tant de directions et de pistes sont empruntées sans qu’aucune ne soit véritablement nommée ni refermée. Bobby Western traverse littéralement cette « somme ». Il est à l’intersection de chaque morceau d’histoire qui se tisse autour de lui sans que jamais il ne parvienne à y adhérer vraiment. Quel nom déjà : « Bobby Western » ! Un nom de lonesome cowboy et c’est bien ainsi qu’il apparaît au lecteur, ombre de lui-même depuis qu’il a perdu sa sœur qu’il s’est empêché d’aimer d’un amour total, transcendant les liens fraternels. On ne voit en effet pour ainsi dire de lui durant tout le roman que l’ombre derrière laquelle Cormac McCarthy l’abrite comme pour lui épargner un surplus de réalité qui n’a plus aucune résonance pour lui.

Lire la suite »

Stella Maris, de Cormac McCarthy

Stella Maris, roman de Cormac McCarthy publié en France deux petits mois à peine après Le passager du même auteur, et préquel de celui-ci, constitue une œuvre à part à plusieurs niveaux. Le premier tient à la « stratégie de publication » quasi simultanée de ces deux romans. Stella Maris, publié juste après Le passager, vient en effet en éclairer le propos et les personnages d’un jour manifestement plus net… Je dis « manifestement » car pour ma part je n’ai pas encore lu Le passager mais entendu certains critiques dire qu’ils l’auraient peut-être mieux apprécié s’ils avaient lu Stella Maris avant.

L’originalité de ce roman tient ensuite, de manière indéniable, à sa forme. Stella Maris est en effet un roman sans narration qui consiste uniquement dans la transcription de neuf séances d’entretien entre une patiente et son thérapeute au sein de l’établissement psychiatrique de « Stella Maris » dans lequel Alicia est venue « trouver refuge », ou « se livrer » pourrait-on dire, presque comme on se livrerait aux forces de l’ordre…

Lire la suite »