
Au retour d’une randonnée, je me suis arrêtée dans un petit bourg du val d’Azin pour y siroter une bière bien méritée. Rien que de très banal, penserez-vous ! Sauf que ce bistrot a non seulement pour vocation d’étancher la soif de ses clients, de remplir leur estomac mais aussi celle d’alimenter leur curiosité intellectuelle.
Le Kairn, c’est son nom, est un bistro-librairie comme l’indique d’emblée une pancarte postée à l’entrée de la terrasse et flanquée de deux piles de vénérables livres reliés d’où émerge quelque végétation de moyenne altitude.
L’appellation n’est pas anodine dans ce pays de montagnes. Nul, ici, n’ignore ce qu’est un kairn. Un kairn, c’est un tas ou empilement de pierres constitué petit à petit par les hommes pour attester de leur passage sur des sentiers peu ou pas balisés. Nombreux sont ceux qui ajoutent leur pierre à l’édifice si bien que le kairn peut servir de repère aux alpinistes en route pour un sommet. Ce repère est donc issu d’une construction collaborative qui associe l’homme à la nature. Un repère – soit dit en passant – dont il faut se méfier. Indique-t-il réellement la bonne direction ? Car, et c’est un signe des temps, chaque contributeur tend à lui donner une signification purement individuelle qui brouille le repérage.
Karine est la fondatrice du Kairn, ce lieu à la fois insolite, accueillant et sobre. Elle a été pendant vingt ans gardienne de refuge. C’est dire combien la proximité des kairns lui a été familière et a pu nourrir sa réflexion sur leur signification profonde.
Nul doute que ces kairn-livres qui saluent le visiteur représentent de manière symbolique un repère dans son cheminement intellectuel. Ils le cueillent, plongé dans un état semi-méditatif, quelque peu fourbu après la marche, encore ébranlé par sa rencontre émouvante avec des paysages grandioses ; les kairns le guident vers l’endroit qui donnera corps à sa réflexion…

Karine a fondé ce bistro-librairie il y a quatre ans. Nourritures terrestres et spirituelles s’y côtoient et répondent parfaitement aux besoins des randonneurs. Plats uniques et simples en terrasse, important choix d’ouvrages dans l’espace librairie qui prolonge le café-restaurant. Le fonds est riche et diversifié : il y a le coin des thrillers, le coin de la jeunesse, un important rayon de BD tourné vers l’aventure, un choix non négligeable de cartes IGN et d’ouvrages sur les Pyrénées. Sur les tables, quelques parutions romanesques récentes, beaucoup d’essais sur l’écologie et d’ouvrages philosophiques. Le nom d’Edgar Morin revient souvent …
Les livres sont classés par thèmes, c’est ainsi que romans d’hier et d’aujourd’hui, essais, ouvrages documentaires ou iconographiques s’associent pour nous inviter au voyage par exemple, nous faire découvrir la nature et ceux qui y vivent, ou encore le lien entre homme et environnement, les phénomènes naturels, l’art… et bien d’autres choses encore. Tout est fait pour accompagner le visiteur, stimuler sa curiosité et donner matière à sa réflexion.
En survolant quelques flyers, j’ai pu constater que la librairie est partenaire de nombreux événements culturels de la vallée , elle est un lieu fécond d’échanges et anime des ateliers de toutes sortes tout en cherchant à faire mieux connaître les acteurs culturels locaux.
Et tout ceci marche ! Le public est là, la qualité de l’offre aussi.

Souhaitons longue vie à cette belle initiative ! Un regret : j’aurais bien voulu pouvoir échanger avec Karine, mais elle n’était pas là ce jour-là ! Peut-être reviendrai-je un jour à Arras-en-Lavedan !
Marie-France, le 27 août 2021