Le salut viendra de la mer

le-salut-viendra-de-la-mer-christos-ikonomou-liseuses-de-bordeauxLe salut viendra de la mer de Christos Ikonomou est un puissant recueil de nouvelles sur les conséquences humaines d’une grave crise économique.

Une île, en Grèce. Des hommes et des femmes s’y sont réfugiés après qu’une grave crise économique les a poussés à fuir Athènes. Ce sont les réfugiés de l’intérieur. Ils ont fui avec le cœur empli de l’espoir qu’ils pourraient tout recommencer sur cette île – tout – et même faire mieux qu’avant. Sauf qu’ils sont accueillis en étrangers par des îliens hostiles qui les traitent de « réfuchiers ». Les déceptions et incompréhensions des Athéniens se muent en désespoir pendant que la violence et la haine gagnent du terrain. La vie sur l’île est ponctuée de rixes entre les deux groupes opposés. Il y a des morts au fond des grottes et des disparus…

Les quatre nouvelles de ce recueil décrivent l’horreur économique contemporaine sur un mode dystopique. La collusion entre argent et pouvoir, responsable de la fuite des Athéniens sur l’île, continue son bonhomme de chemin sur l’île, comme la haine, et détruit les rêves des réfugiés de l’intérieur.

L’île inventée par l’auteur (ne la cherchez pas sur une carte, vous ne la trouveriez pas) est de plus en plus inhospitalière. Le temps du récit est un présent biaisé, par lequel l’auteur laisse s’écouler le désespoir d’un pays. Et le salut ne viendra pas de la mer, malgré le titre du recueil et d’une nouvelle, malgré les incantations des personnages désespérés qui s’y raccrochent comme à une bouée en pleine mer. Le salut ne viendra que d’eux-mêmes.

La voix est puissante. La langue forte. Le sujet grave. Le salut viendra de la mer est le premier roman que je lis sur la Grèce après la crise et le diagnostic qu’il dresse est alarmant.

Florence, 4 février 2018

Minh Tran Huy ou la mémoire en héritage

voyageur-malgre-lui-minh-tran-huy-liseuses-de-bordeauxPrix de l’Escale du livre cette année pour son troisième roman, Voyageur malgré lui, Minh Tran Huy est venue rencontrer ses lecteurs lors de cette manifestation. Elle nous a parlé de son enfance durant laquelle, élevée par sa grand-mère, elle voyait le monde en vietnamien et nous a expliqué comment, au fur et à mesure, la langue et la culture se sont effacées. C’est ainsi que pour elle, nostalgie de l’enfance et nostalgie du vietnamien sont intimement liées.
Voyageur malgré lui est l’histoire du père de Minh Tran Huy, réfugié vietnamien arrivé en France comme étudiant. Line, narratrice au métier très poétique d’enregistreuse de sons, nous raconte plusieurs destins de voyageurs malgré eux, avant d’arriver à l’histoire de son père : Albert Dadas, fugueur maladif; Samia Yusuf Omar, athlète somalienne, héroïne des jeux de Pékin et noyée en mer en tentant de rejoindre l’Europe juste avant les JO de Londres; Thinh, l’oncle bizarre; Hoai, la cousine disparue.Lire la suite »