Un monstre et un chaos, de Hubert Haddad

Dans la courte postface de son roman Un monstre et un chaos, édité chez Zulma, Hubert Haddad cite Blaise Pascal : « Quelle chimère est-ce donc que l’homme ? … quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige ! Juge de toutes choses, imbécile ver de terre, dépositaire du vrai, cloaque d’incertitude et d’erreur : gloire et rebut de l’univers.« 

L’interrogation de Pascal concernant l’être humain fournit son titre à l’œuvre et prend en effet toute sa force quand on évoque la Shoah. Dans son roman, l’auteur mêle réalité et fiction : il s’appuie sur une réalité historique et culturelle juive extrêmement bien documentée pour y introduire une fiction à la fois terrible et poétique.

L’histoire débute en 1941 en Pologne et se déroule en grande partie dans le ghetto juif de Lodz, le deuxième plus grand du pays. Environ 200 000 personnes entassées dans les immeubles et tout ce qui pouvait servir d’abri. La situation de Lodz a ceci de tristement particulier que sa population juive y fut utilisée sur place comme esclave, œuvrant sans relâche, dans le dénuement le plus total, dans les ateliers de confection, les tanneries, dans les usines de textile de la ville au service de l’économie de guerre du Reich allemand. Et c’est le doyen du conseil juif qui conçut ce projet et s’en fit l’intermédiaire auprès du chef nazi du ghetto qui l’accepta au prix d’ignobles tractations. Chaïm Rumkowski, dans sa folie mégalomane, se considérait comme le sauveur de sa communauté qu’il haranguait tel un messie afin de faire régner l’ordre et de mieux la convaincre de coopérer avec ses bourreaux. L’homme lui promettait la vie sauve. Le dernier discours du « roi Chaïm », triste pantin aux mains des nazis, Hubert Haddad l’a d’ailleurs retranscrit tel qu’il fut prononcé en 1942 par son auteur : ses paroles laissent le lecteur abasourdi par tant d’égarement criminel.

Aucun des sacrifices demandés à la population ne la sauva d’ailleurs des camps d’extermination voisins où elle périt – et Chaïm avec elle – peu de temps avant l’arrivée de l’Armée rouge.

Dans ce décor cauchemardesque se joue la vie d’un gamin de douze ans, Alter, (on pense bien sûr à altérité !) qui a pu s’échapper de son shtetl dévasté par la folie génocidaire de l’occupant. « Une chose inconcevable« , la mise à mort brutale de son frère jumeau dont il a été témoin, « a brûlé sa mémoire. » Mû par la volonté inébranlable de vivre, il échoue dans le ghetto de Lodz. Il nous entraîne dans ce qu’il en reste, se faufile entre les habitations et les synagogues détruites, les caveaux du cimetière, dans un dédale de ruelles et de recoins où les nazis et la police juive acquise à Chaïm peuvent surgir à tout moment.

En ces jours de l’automne quarante, l’odeur de sang, de sueur et de putrescence débordait des champs de bataille, des charniers, des cimetières et même du palais des princes, jusqu’au cœur détruit des villes, dans les rues surpeuplées des mille ghettos, au fond des oubliettes et des hideuses tranchées où succombaient les innocents. Personne n’eût pu retarder les processus invasifs de décomposition enclenchés un an plus tôt en Pologne.
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Pour Noël, les Liseuses vous conseillent…

Comme d’habitude à l’approche des fêtes, les Liseuses vous proposent leur sélection de Noël. Elle est, comme toujours, très éclectique, ce qui fait notre force et vous donne largement le choix !
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La tendresse du crawl de Colombe Schneck

La tendresse du crawl, de Colombe Schneck
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Isabelle vous conseille La tendresse du crawl, de Colombe Schneck : « L’histoire toute simple d’un amour qui devient chagrin d’amour, et pourrait devenir, une fois traversés la peur, la tristesse et les regrets, une histoire de retrouvailles. Ce court roman à l’écriture simple et maîtrisée est à la fois profond, mélancolique et haletant. Une fois commencé, difficile de le reposer. A offrir à tous les cœurs blessés… »

Les Chroniques du hasard d’Elena Ferrante

Chroniques du hasard, par Elena Ferrante
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Babeth choisit les Chroniques du hasard d’Elena Ferrante« Offrir un livre objet, illustré par Andréa Ucini, quelle bonne idée pour Noël ! Surtout si c’est pour savoir qui se cache derrière Elena Ferrante. Même si elle dévoile beaucoup de choses pendant ces rubriques hebdomadaires au Guardian, vous ne connaîtrez pas son vrai nom. Mais vous pourrez apprendre à la connaître à travers son oeuvre. C’est son histoire en tant qu’écrivain. Elle dévoile ce qui la fascine dans le monde qui nous entoure : la sexualité masculine, l’inimitié, la condition féminine, les relations mère-fille, le couple, la jalousie, mais également son rapport à l’écriture. Elena Ferrante construit des fictions qui aident à regarder, sans filtres, la condition humaine. »
« Les romans se servent de mensonges pour dire la vérité ».
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Les polars de Ian Rankin

La colline des chagrins, d'Ian Rankin
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Edith vous propose une sélection polar : « Si vous cherchez un polar à offrir à un amateur de l’Ecosse, je vous conseille les romans de Ian Rankin. L’auteur nous plonge dans un suspense haletant dans les tréfonds d’Edimbourg. Vous pouvez commencer par Cicatrices ou La colline des chagrins. Moi, je les ai tous adorés. »

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La mécanique de la chute de Seth Greenland

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Mécanique de la chute, par Seth GreenlandMarie-France partage son coup de coeur pour La mécanique de la chute, de Seth Greenland« Voici un excellent roman américain dont l’intrigue menée d’une plume à la fois acerbe et facétieuse vous tiendra en haleine jusqu’au bout. Il y a du tragique, du tragique à l’américaine, dans le destin du héros du roman, richissime magnat de l’immobilier.
Dans ce pays hanté par les conflits raciaux, dominé par les ambitions individuelles et le pouvoir de l’argent, miné par les constructions médiatiques et le politiquement correct, il peut suffire d’un enchaînement de circonstances au début bien anodin pour que la roue du destin s’enraye  et que la chute inexorablement s’enclenche.
Un roman intéressant qui a toute sa place au pied du sapin. »
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Borgo Vecchio de Giosuè Calaciura

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Borgo Vecchio, par Gosuè CalaciuraFlorence plébiscite Borgo Vecchio de Giosuè Calaciura : « Une magnifique histoire d’enfants du quartier éponyme de Palerme. La quatrième de couverture nous promet une intrigue semblable à un livret d’opéra. Entre violence et beauté, bien et mal, Borgo Vecchio m’a tenu en haleine jusqu’au final. »
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L’arbre-monde de Richard Powers

Bérengère nous fait part de son coup de coeur pour L’Arbre-monde de Richard Powers : « Le récit est composé des éléments d’un arbre : racine, tronc, cime et graines. Cette construction métaphorique nous fait pénétrer l’univers des arbres. À l’intérieur, c’est une histoire d’arbre et d’humanité, une prise de conscience de neuf personnages. Ces derniers se rassemblent autour d’une même lutte pour l’environnement. Il est fascinant de voir les arbres nous accompagner dans notre vie et en même temps, de s’apercevoir qu’ils sont les plus méconnus du vivant. À travers son roman, l’auteur les met en valeur en décrivant leur monde et nos étroites connexions à celui-ci. Un livre qui donne envie d’aller parler aux arbres ! »
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Pour la paix de Paul Eluard et Pablo Picasso

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Pour la paix, de Paul Eluard et Pablo PicassoLaetitia choisit pour vous Pour la paix de Paul Eluard et Pablo Picasso« Voilà un très beau livre à (s)’offrir…
Beau coffret, papier épais et livre sobre, qui mêle le dessin de Pablo Picasso (variations sur le thème de la colombe), et de magnifiques et courts poèmes de Paul Eluard, mis en lumière par Michel Murat, qui est professeur de littérature française à la Sorbonne.
C’est l’histoire d’une amitié née dans les années 1920 en plein mouvement surréaliste, qui prend une dimension politique sans défaut en 1935 en pleine guerre civile espagnole et tragédie de Guernica.
Ce travail conjoint de ces deux auteurs traduit leur engagement pour la paix, dans le langage d’une simplicité épurée et tendre… »
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Tu mourras moins bête de Marion Montaigne

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Tu mourras moins bête, de Marion MontaigneMarisa quant à elle vous conseille Tu mourras moins bête de Marion Montaigne : « Une série BD qui aborde la science par l’humour. Le Tome 1 intitulé La science, c’est pas du cinéma, traite des erreurs scientifiques commises dans les films de science-fiction et d’action… Fous rires garantis! »
Les Liseuses, 15 décembre 2019

Station Eleven, roman post-apocalyptique

emily-saint-john-mandel-station-eleven-liseuses-de-bordeauxStation Eleven d’Emily Saint John Mandel est un roman post-apocalyptique qui m’a fait passer un bon moment, bien que je ne sois pas familière du genre.

Station Eleven commence par une fin spectaculaire : la mort sur scène d’un acteur – Arthur Leander – interprétant le Roi Lear. Un secouriste – Jeevan Chaundhary – monte sur scène pour lui porter les premiers secours, sous les yeux d’une fillette de huit ans – Kirsten Raymonde – actrice au rôle muet. Les trois personnages principaux du roman sont réunis dans cette scène, juste avant qu’une catastrophe beaucoup plus grande chamboule l’ordre du monde : une épidémie de grippe décime la population et impose une réorganisation de la société.Lire la suite »