L’homme que je ne devais pas aimer, d’Agathe Ruga

Voila un roman qui aura fait le tour de la blogosphère. C’est d’ailleurs ce qui m’a interpellée. J’ai voulu savoir pourquoi autant d’engouement. La photo de couverture nous montre une femme seule à un bar qui regarde avec intensité le barman semble-t-il. Voilà qui résume, à première vue, l’histoire de ce roman.

Ariane vient d’accoucher. C’est son troisième enfant avec un second mari. Un homme beau qui lui offre une vie confortable. Ariane est une femme comblée selon les apparences. Alors, pourquoi tomber amoureuse de Sandro, ce barman (moins beau que son mari) qui a attiré son regard ? La première question que pose ce roman est : « Peut on choisir de tomber amoureux ou pas ? » Et ici nous ne parlons pas d’une simple amourette. Sandro, ce mauvais garçon, qui a dix ans de moins qu’elle, l’obsède à en perdre sa dignité. Plus rien ne l’intéresse. Blogueuse littéraire reconnue, Ariane n’arrive plus à lire, elle se désintéresse de ses enfants, de son foyer.

Je ne respirais plus, je n’avais plus d’ongles, plus d’allure, je n’étais qu’une ombre dans la nuit

Et face à cette passion : le silence pesant, insoutenable. Alors pourquoi rester attachée à cet homme ? Ariane s’interroge. Elle trouve des réponses en fouillant dans son passé. Elle reconstitue le puzzle de sa vie mais surtout des hommes de passage « qu’il ne fallait pas aimer ».

La mère d’Ariane a aimé plusieurs hommes qui ont partagé sa vie et celle de ses enfants. Ils sont entrés et sortis de la vie d’Ariane et de son frère comme on tombe amoureux : ils n’ont pas eu le choix. Ce qui sort ce roman du lot, ce sont ces allers-retours entre le présent et le passé. Au delà du récit d’une passion et de sa souffrance, j’ai eu le sentiment de lire un livre sur les hommes. Sur l’importance des traces qu’un père (qu’il soit le géniteur ou un père de substitution), un grand-père, un frère, peuvent laisser dans la vie d’une femme. Écrire cette histoire passionnelle est une façon d’exorciser cette dépendance aux hommes de sa vie, de « ressusciter les absents » et de s’en libérer.

Je me sens vaine. Je suis amoureuse de tableaux que j’ai peints seule. Vaine de tenter de leur faire comprendre. Demandez à votre mari de vous pardonner un amant parce qu’il vous rappelle tous les hommes de sa vie, dont lui. Expliquez à votre nouvel amour qu’il ressuscite l’ancien, le répare et vous permet de vous souvenir de celle que vous étiez, pucelle de passion et de frissons

C’est aussi un livre sur les femmes, qui deviennent mères et qui cherchent leur place de femme après une maternité.

En fait c’est un livre sur la vie, car comme le dit la grand-mère d’Ariane « l’amour a toujours un prix » mais on s’en fout car « c’est la seule chose importante dans la vie ».

Dois-je ajouter qu’il s’agit d’une autofiction ? Oui je pense. Car il faut saluer le courage et la sincérité avec laquelle Agathe Ruga a écrit ces pages.  

Babeth, le 1er juin 2022

L’homme que je ne devais pas aimer, Agathe Ruga, Flammarion, 2022

L’homme semence

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Voilà quelques pages qui sont un véritable minuscule trésor… A vous offrir à vous-mêmes, comme à celles (ou ceux) avec lesquelles (lesquels) vous voudriez partager ce récit poétique sur la maternité, l’amour, les liens entre les hommes et les femmes pour perpétuer la vie, leur désir.

Voilà une singulière histoire écrite en 1919 par Violette Ailhaud, restée au secret d’un office notarial pendant plus de trente ans, pour être enfin dévoilée, et transmise.

A cette période de l’histoire, son village des Basses-Alpes est soudain privé de ses hommes, mobilisés pour réprimer un mouvement républicain. Pendant plus de deux ans, le village est plongé dans l’isolement.
Il en va de la survie, les femmes organisent la vie au village, reprenant à leur compte les travaux des champs.

Mais il n’y a plus que des femmes, nombre d’elles n’ont pas encore porté en elles la vie, chacune se questionne…. Comment pourront-elles vivre la maternité, comment le village pourra perpétuer la vie ? Alors elles se réunissent et tissent ensemble un pacte : lorsque le premier homme entrera dans le village, il deviendra leur homme à toutes.

C’est alors que le serment devient réalité. L’homme se laisse apercevoir à la lisière du village, alors que les femmes sont occupées aux fenaisons. Elles se souviennent, glacées d’effroi et de désir, le serment qui les lient. Elles offrent le gîte et le couvert contre menus travaux, et peu à peu il entrera dans la vie de ces femmes. Il accomplit sa besogne avec l’amour du travail bien fait. Il aime et engendre. La vie retrouve ses droits, mais aussi le désir charnel… C’est Violette Ailhaud qui nous le conte.

Laissez vous aller à cette magnifique histoire, et la poésie et la simplicité de sa langue….

Laetitia, 27 août 2019

Déneiger le ciel d’André Bucher

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Voilà aux éditions Sabine Wespieser un petit bonheur de lecture pour cette nouvelle année !

Vous le lirez sans doute d’une seule traite, et l’idéal serait de le lire au coin d’un feu, alors qu’il neige au dehors… Mais à défaut de montagnes et de flocons, l’auteur saura vous emmener, un 23 décembre, dans une rude nature qui confronte parfois l’homme à son histoire, ses limites et ses ressources.

L’histoire est celle d’une nuit bien insolite au fond d’une vallée reculée des Alpes… Pour la première fois depuis vingt ans, David ne partira pas déneiger les routes avec son tracteur. David est veuf. Il est seul dans sa ferme isolée et attend la visite de son « presque » fils. Le jeune homme a annoncé sa venue tardivement et a décidé de finir le trajet à pied, malgré la tempête. Le ciel n’est plus qu’un rideau de neige, le froid gèle les cascades. David s’inquiète…. Il part alors à la rencontre de ce « presque » fils, sur les chemins de silence et de glace.Lire la suite »

Un homme, ça ne pleure pas

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Le titre est éloquent et évoque, d’emblée, quelques tabous sociétaux et les places bien séparées des hommes et des femmes. Faïza Guène nous offre ici un superbe roman dans lequel nous suivons pas à pas le chaos d’une famille algérienne, empêtrée dans des conflits intergénérationnels nés de l’acculturation.
Un père, ancien cordonnier, analphabète, tente de s’adapter à d’autres destins pour ses enfants. Une mère, une mère « pieuvre », dévorante d’amour autant que nourricière, agrippée à ses propres repères de femme. Des enfants qui grandissent et dont la liberté fait peur.
C’est une jolie histoire de destins croisés, et de frères et sœurs si différents… Le texte est léger, semé d’humour, un texte qui ne juge pas.

Et puis de très beaux passages…

Les joues de ma mère sont douces et encore bien rebondies. Ses rides, ce sont les lignes du livre qu’elle n’a jamais pu écrire. C’est l’histoire de sa vie qui se dessine dans le coin de ses yeux. Les plis sur son front, ce sont autant d’inquiétudes, d’attentes à la tombée de la nuit…

Laetitia, 19/02/2016