Long Island de Colm Toibin

J’ai découvert il y a peu de temps l’auteur irlandais Colm Toibin. Son roman Long Island dont la jaquette a attiré mon regard, est le dernier opus d’une importante production littéraire. Dès la page 3, l’intrigue est lancée : quelques paroles adressées par un inconnu à Eilis, le personnage principal de l’histoire, vont jeter un pavé dans la mare de la vie bien ordonnée d’une famille américaine de Long Island.

Il a tout réparé chez nous. Il a même fait un peu plus que ce qui était précisé dans le devis. A vrai dire, il est revenu régulièrement à des moments où il savait que la maîtresse de maison serait là et pas moi. Et il a fait un boulot de plomberie si efficace qu’elle va avoir un bébé en août.

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Rencontre avec les nominés du prix de littérature française de Lire en poche

@photos Seb Perchec / Lire en Poche 2024

Les organisateurs de Lire en poche nous ont fait un très beau cadeau : accompagnée de quatre instagrameuses, j’ai pu discuter avec 5 des auteurs nominés pour le prix de littérature française : Avril Bénard (A ceux qui ont tout perdu, J’ai lu), Fanta Dramé (Ajar-Paris, Harper Collins), Guillaume Lebrun (Fantaisies guerrillères, Christian Bourgois), Hadrien Bels (Tibi la blanche, Proche), Feurat Alani (Je me souviens de Faloujah, Le livre de poche). Pour plusieurs d’entre eux, ils présentaient leur premier roman.
Une rencontre intimiste et détendue où chacun nous a livré des éléments sur son processus d’écriture. Comment ils en sont arrivés à écrire leur roman mais également leurs doutes. Ce moment était bien trop riche pour le garder pour moi, j’avais envie de le partager avec vous et d’en garder une empreinte écrite.

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A ceux qui ont tout perdu d’Avril Bénard

Je viens de finir de lire « à ceux qui ont tout perdu ». Comme une pelote de laine, je tire sur la ficelle mais je n’en vois pas le bout.

D’abord j’ai lu : une histoire d’exode, de guerre et de fuite urgente. Des soldats sont dans la rue, il faut partir pour fuir les massacres et les bombardements. On découvre les habitants d’un immeuble, chapitre après chapitre nous découvrons des habitants du quartier. Chacun est décrit avec précision, son intimité et ses préoccupations. Le bon et le mauvais de chaque individu se révèle. La première personne à laquelle je me suis attachée, c’est la femme de Paul. C’est terrible quand même…On ne connait pas son prénom. Elle semble invisible et pourtant elle a occupé une grande place dans ma lecture. Je continue à l’imaginer dans ce bus qui l’emmène on ne sait où…

Il s’est lassé de cette femme. Il avait perdu son alliance. Il avait pris un chien.

Il s’était lassé du chien aussi.

Elle, cette femme, on ne l’entend jamais. Elle est la pudeur même. Elle vient de cette époque où la féminité doit se taire ou dire oui. Une larme d’elle, il faut aller la puiser. Une larme, pas plus, mais énorme, et qu’elle essuie très vite comme si ça n’avait pas eu lieu. Du revers de la main, et ce revers est alors mouillé à la place de la joue. Elle essuie ce revers sur sa jupe. C’est comme de voir pleurer un oiseau, c’est rare.

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Les dents de lait, de Hélène Bukovski.

C’est un bien étrange récit que nous livre la jeune autrice allemande, Hélène Bukovski, dans son premier roman intitulé Les dents de lait et publié début 2021 chez Gallmeister. Le récit est relativement bref, le nombre des protagonistes limité et essentiellement féminin.
L’intrigue repose sur une grande simplicité et se déroule sur fond de dérèglement climatique. Une atmosphère envoûtante, une histoire prenante, imprégnée de poésie, une sorte de conte où cohabitent magie et réalisme : dans cette histoire, il tombe des mouettes mortes du ciel, les arbres fleurissent, mais ne donnent plus de fruits, les chats disparaissent…
Le récit peut s’inscrire dans la lignée des romans post-apocalyptiques – on pense par exemple à Dans la forêt de Jean Hegland (Gallmeister) ou encore Le mur Invisible de Marlen Haushofer (Actes-sud) ; mais la catastrophe passée ou à venir demeure floue, sans contours précis, les questions restent sans réponse. Une menace plane sur la région et cette menace pousse les habitants du coin à faire sauter le pont qui mène au monde extérieur.

«Et puis, il y a eu les animaux. Des oiseaux, parfois des cerfs et des sangliers. Ils étaient malades, ils s’égaraient et se retrouvaient ici. On savait qu’ils venaient de la mer, alors on a décidé de faire sauter le pont en béton. De couper le seul accès et de nous protéger définitivement de ce qui risquait d’arriver.»

Depuis, le climat s’est brusquement déréglé : après la brume et le froid , un soleil implacable, une chaleur insupportable se sont installés, faisant blanchir le pelage des animaux et fuir les oiseaux. La terre desséchée produit à grand peine les fruits dont, jadis, les hommes tiraient abondamment leur subsistance.

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