Paul Lynch, prophète du festival des Etonnants Voyageurs

Il était impossible cette année de repartir du festival Etonnants Voyageurs de Saint-Malo sans connaître le nom de Paul Lynch ! L’écrivain irlandais était présent dans pas moins de cinq rencontres aux formats très variés, allant du grand débat inaugural à une séance plus intimiste de lectures à voix haute d’extraits de ses cinq romans.

Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Paul Lynch est devenu une icône dans son pays depuis que son cinquième roman, Prophet song, a été récompensé du prestigieux Booker Prize en 2023. Ce livre, qui s’est vendu à plus de 500 000 exemplaires au Royaume-Uni, a également été traduit dans plus de trente langues. Sa version française est parue sous le titre Le chant du prophète chez Albin Michel en début d’année.

Personnellement, je me souviens de l’excitation ressentie dès la lecture des premières lignes de ce roman. La joie du lecteur qui découvre une écriture superbe, qui pressent qu’il a ouvert un livre qu’il va prendre énormément de plaisir à lire.

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Les liseurs de Daraya

 

C’est une photo qui est à l’origine de l’écriture des Passeurs de livres de Daraya. Une photo qui interroge Delphine Minoui, grand reporter spécialiste du Moyen-Orient. C’est une quête qui commence alors pour elle. Elle veut savoir, elle veut comprendre. Utilisant les réseaux de communication modernes, elle retrouve la trace des personnes photographiées, ces jeunes Syriens entourés de livres qui bouquinent alors qu’une pluie de bombes détruit tous les jours leur cité.
Dès 2011, Bachar-al-Assad fait croire aux Occidentaux qu’il est le seul rempart contre Daech et que Daraya est un nid de terroristes qu’il faut éliminer. Or, l’armée syrienne libre est apparue dans le seul but d’obtenir le respect des droits de l’homme. Ces jeunes gens d’une vingtaine d’année se sont révoltés contre les injustices dans leur pays. Leurs actions se veulent non-violentes et on les a fait passer pour des djihadistes pour cautionner ces bombardements. Alors pour survivre et s’éduquer, ils décident de construire une bibliothèque souterraine et clandestine, ouverte à tous. Ils récupèrent dans les logements détruits et abandonnés des ouvrages de toutes sortes, en prenant soin d’inscrire sur la première page le nom du propriétaire, espérant qu’un jour les livres leur reviendront.

« Face aux bombes, la bibliothèque est leur forteresse dérobée. Les livres, leur arme d’instruction massive ».

Ce sera un lieu d’échanges qui va les rapprocher. La plupart n’aimaient pas lire auparavant, mais ils découvrent avec cette bibliothèque secrète le pouvoir de la lecture.

« Les livres nous ont sauvés. C’est notre meilleur bouclier contre l’obscurantisme ».

A travers ce récit, Delphine Minoui nous fait partager le drame de ces habitants pris au piège d’une guerre qu’ils n’ont pas voulue. Par son empathie, elle vit avec eux et nous fait vivre le drame de leur situation. On pourrait presque les entendre se parler. On imagine les photos prises au risque de leur vie pour témoigner de la cruauté syrienne. Chaque nouvel épisode nous fait frémir d’inquiétude. Et malgré la terreur qui règne, je suis admirative de leur joie de vivre. Même lorsqu’en 2016 des centaines de bus viennent les évacuer presque morts de faim, l’un d’entre eux se sent grandi de cette tragédie. Cette bibliothèque les a aidés à tenir le coup.

« Si les livres ne peuvent soigner les plaies, ils ont le pouvoir d’apaiser les blessures de la tête. Le livre ne domine pas. Il donne. Il ne castre pas. Il épanouit. »

Ahmad, Abou-El-Ezz, Shadi, Omar Abou Anas, Hussam Ayash : en écrivant les noms de ces bibliothécaires d’un temps, je souhaite prendre le relais de Delphine Minoui pour continuer la chaîne de vérité contre la dictature.

Les passeurs de livres de Daraya. Une bibliothèque secrète en Syrie, de Delphine Minoui

Babeth, 15 septembre 2019

Nous serons des héros de Brigitte Giraud

brigitte-giraud-nous-serons-des-heros-liseuses-de-bordeauxNous nous situons dans les années soixante, dans un milieu populaire en banlieue lyonnaise, à la croisée de plusieurs histoires.

Tout d’abord celle intime d’une mère et de son jeune fils contraints à l’exil après l’arrestation et la mort d’un père engagé dans la résistance contre la dictature de Salazar.
Olivio immigre en France avec sa mère, avec pour seul bagage quelques valises, un chat, et leurs souvenirs. A présent il faut apprendre la langue, les codes, le froid du ciel et d’un appartement presque vide. Il faut assumer la dette vis-à-vis de ceux qui ont aidé, il faut travailler, subir parfois la discrétion et les renoncements obligés pour trouver sa place. Il faut encore espérer un foyer qui protège et la bascule de la révolution dans le pays qu’on a douloureusement quitté.Lire la suite »

Popa Singer de René Depestre

popa-singer-rene-depestreQuand le loa tient Moma Popa…

On retrouve beaucoup de poésie dans le dernier ouvrage de René Depestre, Popa Singer. Ce livre peut se définir comme une chronique de l’auteur en Haïti en 1957, époque où Duvalier prend le pouvoir et installe une dictature.
René Depestre raconte sa confrontation au tyran qu’il a bien connu. Lorsque celui-ci lui propose un poste dans son gouvernement, il se retrouve pris entre deux feux : la seule liberté possible pour le poète est la voie du communisme.
Par son écriture aussi flamboyante que les carnavals de son île, René Depestre dénonce toute l’absurdité et la cruauté des ambitions de « Papa Doc ».
Et puis, il y a le loa (un esprit) qui s’incarne dans Moma Popa, la mère du poète, pour crier quelques vérités politiques mais aussi et surtout pour protéger ses enfants de la folie duvaliesque.

Bérengère, 13/04/2016