Quoi offrir pour Noël ? Les conseils des Liseuses de Bordeaux

Pauline vous propose A quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ? de Gaëlle Josse

Gaëlle Josse nous offre un dixième roman d’ une infinie douceur. Construit sous forme de recueils de vies d’hommes et de femmes que le sommeil a fui, elle explore la part fragile et humaine en chacun d’eux. Écrit avec une grande sensibilité, les portraits de ces personnes qui se confient à la nuit sont sincères, tendres et bouleversants. On se retrouve un peu dans chacun et l’émotion est au rendez-vous.

Un cadeau parfait et à petit prix qui plaira au lecteur débutant comme au lecteur aguerri ! A glisser sous le sapin sans plus attendre. A quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ? Gaëlle Josse, J’ai lu, 2025.

Babeth a eu un coup de cœur pour Enfin seule de Lauren Bastide. 

Ne vous méprenez pas : cet essai, contrairement à ce que son titre laisse penser, n’a pas pour but de vous convaincre de devenir célibataire. Il n’est pas non plus destiné qu’aux femmes seules. Ce livre peut parler à toutes les femmes. L’autrice évoque la surveillance sociale, et pas que celle des hommes, mais il est également question de morale patriarcale. C’est une démonstration sensible pour accéder à la « solitude véritable qui permet la rencontre avec soi« . Lauren bastide évoque avec sincérité sa propre expérience mais fait surtout référence à des écrits d’historiens, sociologues et écrivains de référence pour développer son propos. Un livre à offrir à Noël assurément. Enfin seule, Lauren Bastide, Allary Editions, 2025

Isabelle a aimé Julian est une sirène de Jessica Love, édité à l’Ecole des loisirs.

La Mermaid Parade, parade new-yorkaise des sirènes, se prépare. Nous voilà entrainés dans le sillage de Julian, un petit garçon et de sa grand-mère, sa Mamita. Julian rêve de ressembler à ces êtres magnifiques. Et pourquoi pas ? Les illustrations sont superbes, le texte simple et juste, un album pour les 6-11 ans sur la liberté d’être soi. Julian est une sirène de Jessica Love, l’Ecole des loisirs, 2018

Le conseil de Marie-France : Kairos de Jenny Erpenbeck.

Kairos entremêle l’histoire d’une passion destructrice entre une jeune fille de Berlin-est et un écrivain de 34 ans son aîné, et les derniers soubresauts d’un régime en bout de course, la République Démocratique allemande. Ce roman m’a intéressée par son foisonnement d’apports sociologiques, psychologiques et culturels. L’autrice a exploité avec originalité cet effet de résonance entre la petite et la Grande Histoire. Kairos, Jenny Erpenbeck, traduit de l’allemand, Gallimard, juin 2025

Pour Catherine c’est Fantastique histoire d’amour de Sophie Divry 

Un accident de travail, une enquête, des cristaux bleus aux pouvoirs surprenants, on se laisse emporter par ce roman qui contourne les lois habituelles du genre. Une lecture captivante, à la frontière du fantastique, une rencontre plus qu’improbable entre des personnalités attachantes et bien campées. Fantastique histoire d’amour, Sophie Divry, 2024 au Seuil et 2025 en poche chez J’ai lu.

France a aimé Haute-Folie de Antoine Wauters

Choisir sa vie : une illusion ? N’est-ce pas plutôt elle qui nous choisit ? On croit partir d’une feuille blanche ou tourner les pages, s’affranchir du passé. Mais si au fond le passé ne passait pas ? Surtout le passé qui n’est pas directement le nôtre : celui dont on hérite.

Dans Haute-Folie, c’est de transmission intergénérationnelle qu’Antoine Wauters nous parle, de ce poids invisible, qu’on ne devine pas mais qui constitue un énorme fardeau sur nos épaules et guide nos actions. Dit autrement, Antoine Wauters nous montre que le libre-arbitre est avant tout une illusion tant qu’on n’a pas mis à nu toutes les zones d’ombre dans lesquelles on est nés et a grandi. Le passé qu’on croit derrière « alors qu’il est devant [comme] un cercle, une boucle. J’ai mis longtemps avant de comprendre que certains de mes choix n’avaient pas été des choix, mais des nécessités ».

Son héros, Josef, agi par son passé, se débat avec un présent qui n’a pas de sens, qui n’en a jamais eu assez car le passé telle une porte ouverte sur un Ailleurs le happe inexorablement. Ce qu’on est, c’est avant tout ce dont on est fait. Le refuser, c’est se vouer à la répétition et prendre le risque de laisser pour toujours le passé faire écran entre soi et soi-même. « La lâcheté, c’est faire ce que les autres attendent de nous et nous en tenir à ça (…) Le courage, à l’inverse, c’est aller dans le dur de soi ».

C’est ce que fait Antoine Wauters dans ce roman sobre qui prend la forme d’un conte et que je vous recommande d’offrir à Noël pour initier d’improbables discussions et tenter de braquer les projecteurs sur les zones d’ombre auxquelles nos lignées familiales nous soumettent. Haute-Folie, Antoine Wauters, août 2025, Gallimard

Les Liseuses, pour les fêtes de fin d’années 2025

Les ombres blanches de Dominique Fortier

Qu’y a-t-il après la mort ? Que devient-on ? Que reste-t-il de nous ?

Ces questions, Emily Dickinson n’a cessé de se les poser toute sa vie et dès son plus jeune âge. Faisant face à de nombreux deuils, la « menace grandissante » de la mort l’a tourmentée jusque dans ses poèmes.

« Elle est morte- c’est ainsi qu’elle est morte ;

Quand elle n’a plus eu de souffle,

A ramassé ses vêtements

Et est partie vers le soleil »

Emily est décédée à 55 ans, en ayant publié seulement une douzaine de poèmes de son vivant.

Les ombres blanches fait référence aux proches de la défunte et notamment aux quatre femmes qui ont eu un rôle majeur dans la reconnaissance du travail d’Emily Dickinson telle que nous le connaissons aujourd’hui.

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Perséphone de Benjamin Carteret

« Fille de Terre, 

Gardienne, Feu, 

Relève-toi. Tu dois te dresser

 D’une posture royale, fière, sacrée,

Dans la plaine où Terre autrefois féconde

A accouché du monde. Que naisse

La Reine Perséphone. Ton

Royaume s’ouvre

A Toi. »

Quoi de mieux qu’un champ de coquelicots pour y apposer la couverture de ce superbe primo-roman. Les connaisseurs y verront l’emblème de la déesse du printemps, la célèbre Perséphone.

Connaissez-vous son mythe ? Cette jeune déesse chthonienne grecque, nommée Koré, née des liaisons incestueuses de Déméter et Zeus, deviendra Perséphone, reine des enfers en épousant le non moins célèbre Aidoneus (Hadès). Les saisons étant régulées par Déméter, quand sa fille disparait dans les enfers après son enlèvement par Hadès, un long hiver s’installe sur la Terre. Le retour de Perséphone auprès de sa mère annonce le retour du printemps.

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Les Sources de Marie-Hélène Lafon

Dans ce court roman en lice pour le prix des lecteurs 2025, Marie-Hélène Lafon nous plonge dans la vie intime et rurale d’une famille de fermiers des années 70.

Cette famille apparait assez rapidement comme dysfonctionnelle au fil de la lecture. Les descriptions photographiques de la mère, du père et des trois enfants dans les scènes de vie du quotidien ont un gout âpre et font naitre une ombre. Cette sensation malaisante s’accentue quand on comprend que la violence est une composante centrale de la dynamique familiale.

Dans le cadre des violences conjugales, un des partenaires assoit son autorité sur l’autre avec la volonté de le dominer. Dans ce texte, la mère est accablée par son quotidien, sa charge de travail pour tenir la maison et éduquer les enfants. On ressent cette lourdeur étouffante dans son accablement, son apathie qui se meut en lente dépression. Elle semble dissociée de son corps, effectuant ses tâches par automatisme. Mettre en place des stratégies de protection est un des moyens qu’elle a trouvés pour éviter les foudres de son partenaire. L’aura du père est présente à chaque instant, elle doit bien faire les choses et tenir son rôle de femme au foyer sinon gare aux regards, aux humiliations, aux coups. La Violence dont on parle est multimodale ; elle est physique, psychologique, sexuelle, verbale. Rien n’est épargné dans cet écrit à qui sait repérer la violence, mais elle reste insidieuse, fondue dans un décor rural où la nature est plus grande.

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