Dimanche 6 juin 2025, Saint Malo intra-muros. Je me hâte pour gagner l’Hôtel de l’Univers, l’un des douze lieux où se tient le Festival du livre et du film des Etonnants Voyageurs. J’ai prévu d’y assister à une rencontre à laquelle participe Isabel Del Real, une jeune autrice dont j’ai découvert le premier livre, Plouhéran, un récit graphique, en début d’année grâce à ma bibliothécaire préférée. Chemin faisant je me fais la réflexion qu’avec son périple de 15 000 kms à vélo de la Bretagne à l’Iran, elle est pleinement dans la thématique de ce festival et même, pour moi, la plus étonnante de ces Etonnants Voyageurs édition 2025.
Il était impossible cette année de repartir du festival Etonnants Voyageurs de Saint-Malo sans connaître le nom de Paul Lynch ! L’écrivain irlandais était présent dans pas moins de cinq rencontres aux formats très variés, allant du grand débat inaugural à une séance plus intimiste de lectures à voix haute d’extraits de ses cinq romans.
Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Paul Lynch est devenu une icône dans son pays depuis que son cinquième roman, Prophet song, a été récompensé du prestigieux Booker Prize en 2023. Ce livre, qui s’est vendu à plus de 500 000 exemplaires au Royaume-Uni, a également été traduit dans plus de trente langues. Sa version française est parue sous le titre Le chant du prophète chez Albin Michel en début d’année.
Personnellement, je me souviens de l’excitation ressentie dès la lecture des premières lignes de ce roman. La joie du lecteur qui découvre une écriture superbe, qui pressent qu’il a ouvert un livre qu’il va prendre énormément de plaisir à lire.
Autour de la table ronde : Jean HEGLAND, Rodrigo BLANCO CALDERON, Yara EL-GHADBAN
Parmi les personnages principaux des derniers romans de ces trois auteurs : la forêt (Jean HEGLAND, Le temps d’après), des flamants roses (Yara EL-GHADBAN, La danse des flamants roses), des chiens abandonnés (Rodrigo BLANCO CALDERON, De l’amour des chiens).
Ils se déroulent dans des contextes d’atteinte de bout du monde, d’un monde contraint à se réinventer, contextes post-apocalyptiques ou presque même si l’on ne sait pas toujours en quoi a consisté l’Apocalypse. Au Vénézuela dont est natif R. Blanco Calderon, ce sont 9 millions de compatriotes qui ont quitté le pays rappelle-t-il, avec pour conséquence l’abandon d’un nombre considérable d’animaux domestiques et le projet d’ouvrir une improbable fondation pour les prendre en charge. L’occasion pour R. Blanco Calderon de faire référence à la magnifique citation d’une poétesse uruguayenne dont je n’ai malheureusement pas réussi à prendre le nom à la volée :
Puisque tu n’es à l’abri de rien, essaie toi-même de sauver quelque chose.
C’est bien de cela dont il s’agit dans ces trois romans, de sauver ce qui peut l’être, et plus encore de nouer des liens jusque-là inconnus, jamais expérimentés, avec la forêt devenue unique ressource et rempart contre les dangers, avec le monde animal, avec le vivant de manière plus générale, et avec les autres hommes dans un cadre d’existence intégralement transformé. Y. El-Ghadban voulait ainsi faire du territoire palestinien le lieu du début d’une autre histoire, rappelant au passage la force inépuisable de l’espoir à ses yeux :
Si l’espoir n’était pas si puissant, il n’y aurait pas tant de tentatives de le tuer.
Comme elle le dit, ce n’est rien de moins qu’une utopie qu’il s’agissait pour elle d’écrire.
Avec son dernier roman Badjens, Delphine Minoui nous parle d’un Iran d’aujourd’hui où les jeunes femmes ont entrepris un soulèvement pour faire entendre leur voix, pour être respectées au même titre que les hommes, pour avoir le choix de porter ou non leur foulard.
Comme nous l’a dit l’autrice au salon Etonnants Voyageurs de Saint-Malo, ce roman, c’est un pas de côté par rapport à son métier de journaliste. Il y a d’abord un propos, le port du voile obligatoire en Iran, et après elle a tissé un fil imaginaire grâce à la fiction pour raconter l’histoire de cette jeune fille.