« Moi ce que j’aime, c’est les monstres » d’Emil Ferris (tome 1 et 2)

Précipitez-vous, Karen Reyes n’est pas un monstre, pas plus que ne l’est la galerie de personnages qui l’accompagne; ils sont humains, terriblement, parfois atrocement humains et c’est cela qu’ils ont sans doute de monstrueux. Karen Reyes n’est pas un monstre, c’est une petite fille mi loup-garou mi humaine, sans que ne soit tranchée d’ailleurs, la question de savoir si sa représentation en loup-garou correspond à la façon dont les autres la voient ou dont elle, elle se voit… Elle est étrange, en tout cas comme tous ceux qui prennent vie autour d’elle, humains, peluches, morts, ombres, fantômes peut-être…  Tout ça s’entre-mêle, vous captive et ne vous lâche pas.

Je lis peu de BD et de romans graphiques mais lorsque je suis tombée il y a quatre ans face à la couverture du tome 1 de Moi ce que j’aime, c’est les monstres d’Emil Ferris, je me suis tout de suite dit que celui-là était pour moi. Le titre tout d’abord et le dessin, dingue, à tomber… Je sais depuis que le stylo Bic quatre couleurs est une arme magique qui permet de créer des dessins d’une précision, d’une profondeur, d’une beauté à couper le souffle. Dans le tome 2 d’ailleurs, il sert à représenter des chefs d’œuvre de la peinture que Karen découvre au Musée avec son frère.

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Le grand prix de littérature américaine 2024 : Bien-être de Nathan Hill                                    

J’ai découvert l’écrivain américain Nathan Hill il y a quelques années lorsque son premier roman, Les fantômes du vieux pays, a trouvé place sur les présentoirs des librairies françaises. Le livre m’avait, déjà à l’époque, beaucoup plu. Sept ans plus tard, sort son deuxième roman, un gros pavé de presque 700 pages, intitulé Bien-Être. Je m’y suis attelée. Un vrai coup de cœur !

Non content de tenir le lecteur en haleine par une construction brillante, l’auteur le fait rire du début jusqu’à la fin: l’humour affleure à chaque coin du récit et garantit des instants de lecture jubilatoires. Mais attention, dans la satire de la société moderne américaine qu’offre le roman, nul n’est épargné et certainement pas le lecteur.

Alors de quoi s’agit-il ? D’un couple d’étudiants, Jack et Elizabeth ; l’auteur décrit leur rencontre à Chicago au début des années quatre-vingt-dix, leur coup de foudre, leur vie de bohème dans le Chicago artiste underground, leur conviction d’avoir trouvé l’âme sœur et le mode de vie auxquels ils étaient destinés. C’est ce qui leur permet – du moins le pensent-ils – de rompre avec leur milieu d’origine et de mettre de côté ce qui les avait marqués négativement jusqu’alors. Ils étaient venus l’un et l’autre à Chicago pour devenir orphelins.

Et puis vingt ans plus tard, nous retrouvons les mêmes, un peu fissurés dans leurs certitudes, plus tout à fait en harmonie, mariés, parents d’un enfant pas toujours commode, penchés sur les plans de l’appartement pour la vie qu’ils envisagent d’acheter car plus adapté à leurs besoins. Selon toute évidence, ils ont perdu le fil rouge des débuts heureux : il faut bien composer avec les contraintes de la vie d’adulte, au risque d’ailleurs de se laisser rattraper par les tendances du nouvel air du temps. Elizabeth pense à l’avenir. Elle a décidé qu’il était temps de remonter la courbe en U de la vie,

« ce phénomène bien connu de certains économistes et des psychologues comportementaux selon lequel, sur une vie, le bonheur avait tendance à suivre un schéma familier : les gens étaient plus heureux dans leurs jeunes années puis pendant leur vieillesse que pendant les décennies du milieu…le bonheur touchait le fond entre les deux. »

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