Les heures silencieuses de Gaëlle Josse

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Je m’appelle Magdalena van Beyeren. C’est moi, de dos, sur le tableau. […] J’ai choisi d’être peinte, ici, dans notre chambre où entre la lumière du matin.

Nous avons découvert Gaëlle Josse par la lecture de son roman Le dernier gardien d’Ellis Island, livre qui avait provoqué beaucoup d’enthousiasme parmi nous. Cette fois-ci, à tour de rôle, Lætitia et Marisa partagent leur coup de cœur pour son premier roman, écrit en 2011, Les heures silencieuses.

L’histoire. Delft, 1667. Au moment où sa vie est traversée par un terrible drame, Magdalena, femme d’un riche armateur, commence la rédaction de son journal intime.

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Intérieur avec femme à l’épinette (E. De Witte)

L’avis de Lætitia. Une autre découverte coup de cœur parmi les textes de Gaëlle Josse, que ce petit livre…Toujours dans la concision et cette grande sensibilité de l’auteur, nous nous transportons dans un univers féminin du 17ème siècle à Delft.

Parmi les armateurs et grandes familles du négoce des épices et autres trésors venus de lointaines terres, les femmes ont peu de place. Leurs rôles sont de tenir le rang, diriger les domestiques de la maison, organiser les réceptions, jouer de la musique, enfanter… Elles taisent aussi le deuil de certains enfants, qui ont parfois failli, de peu, leur arracher leur propre vie.

Et pourtant, cela n’en exclut pas l’intérêt et le talent de Magdalena von Beyeren. Enfant aux côtés de son père, puis dans sa vie d’adulte, facilitant les négociations… Gaëlle Josse nous offre quelques pages d’un journal intime, qui évoque ce monde où femmes et hommes semblent si lointains. Magdalena vient de perdre un nouveau-né et son monde affectif semble, silencieusement, basculer… C’est l’heure d’une commande d’un portrait de famille, où elle décide de figurer le dos tourné. Qui pourrait comprendre ce choix ? Renoncement à quoi, à qui ?

Ce que nous tentons de bâtir autour de nous ressemble aux digues que les hommes construisent pour empêcher la mer de nous submerger. Ce sont les édifices fragiles dont se jouent les éléments. Elles restent toujours à consolider ou à refaire. Le cœur des hommes est de moindre résistance, je le crains…

L’avis de Marisa. Comme toujours, les récits de Gaëlle Josse naissent d’une émotion. A l’origine de son récit, le trouble éprouvé face au tableau d’Emmanuel De Witte, peintre néerlandais, Intérieur avec femme à l’épinette, ce tableau même illustrant la couverture du livre.

Observez un peu… N’êtes vous pas étonnés de ne pas voir le visage de cette femme ? Pourquoi a-t-elle choisi de se faire peindre de dos ? A-t-elle quelque secret à cacher ? Et quelle est cette silhouette, à gauche, dissimulée derrière l’étoffe d’un lit à baldaquin ? A une époque où des personnages influents se font peindre par des portraitistes de renom, ce tableau soulève bien des interrogations.

Elle m’a fait entrer dans le tableau pour me livrer ses confidences.

Sous la plume de Gaëlle Josse, cette femme prend vie. Ce sera Magdalena. Le lecteur la découvre dans une période sombre de son existence où, ployant sous le poids des secrets, en proie à de nombreux doutes, elle choisit de se confier dans un journal intime.

Une fois encore, la magie opère. Tout en délicatesse et en poésie, l’écriture de Gaëlle Josse nous touche. En très peu de pages (à peine 90), l’auteure parvient à nous faire partager le destin en clair-obscur de Magdalena, et nous faire pénétrer, au-delà des apparences, dans l’intimité d’une femme de cette époque.

Lætitia et Marisa, 05/04/2016

2 réflexions sur “Les heures silencieuses de Gaëlle Josse

  1. Très beau roman. Gaëlle Josse dresse un portrait tout en délicatesse et poésie d’une femme à qui on laisse peu de place pour exister.
    L’idée d’imaginer un portrait à partir d’un tableau où la protagoniste est peinte de dos est originale. Un court roman subtil !

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