Interview de Cécile Coulon

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© Antoine Rozes

Cécile Coulon nous a accordé une interview lors de son passage à Bordeaux. Déterminée et vive, elle revient pour nous sur l’écriture de ses deux derniers romans, Le roi n’a pas sommeil et Le rire du grand blessé et nous dévoile ses goûts en matière de lecture.

Pourquoi avez-vous choisi d’ouvrir deux de vos romans, Le rire du grand blessé et Le roi n’a pas sommeil sur une énumération ?
Je n’appellerais pas ça une énumération mais une entrée in medias res. Cela permet de rentrer très vite dans le sujet, de manière très brutale. Mais cela ressemble à une énumération, notamment dans Le rire du grand blessé. J’ai choisi d’ouvrir comme ça, car quand je choisis un livre en librairie, je lis la première page. Si elle est très forte, j’ai envie de continuer, sinon, je laisse le livre.  Secouer le lecteur d’emblée est une façon de le tenir en haleine jusqu’au bout.

Est-ce que vous allez ouvrir tous vos prochains livres de cette manière ?
Le prochain s’ouvrira comme ça, oui. Ça m’intéresse de créer un suspens en une ou deux pages, avec un prologue assez fort. Je vais peut-être en faire ma marque de fabrique…

A la lecture de vos romans Le rire du grand blessé ou Le roi n’a pas sommeil, on découvre vos influences littéraires éminemment anglo-saxonnes : Orwell, Steinbeck… La littérature française vous influence-t-elle ?
Quand j’ai écrit Le roi n’a pas sommeil et Le rire du grand blessé, je lisais beaucoup de romans anglo-saxons, ce qui se ressent dans mon écriture. Depuis quelque temps, je lis des romans français. Et dans mon prochain roman, il n’y aura pas de marqueurs géographiques. Mais je reste une fan de la littérature américaine, qui m’a fait aimer la littérature et l’écriture.

Dans Le rire du grand blessé, la littérature est suspecte, alors que le livre est un objet. Pour vous quelle est la place du livre dans la société d’aujourd’hui ?
Une place très ambiguë. Comme la place du Coca-Cola. C’est un objet présent dans la vie de tous les jours et d’un autre côté, c’est quelque chose qui effraie. J’en ai parlé à beaucoup de lycéens et eux associent le livre au travail. Alors que pour moi, le livre n’a jamais été quelque chose de laborieux, c’est un objet fabuleux. J’habite dans un petit village et on n’avait que des bouquins pour nourrir notre imagination. C’est un objet désuet qui a un pouvoir énorme sur les gens. C’est ce dont je voulais parler dans Le rire du grand blessé. Alors quelle est la place du livre en France ? Il y a mille réponses différentes selon la perspective de questionnement. Ma réponse est un peu vague, non ?

Comment travaillez-vous vos personnages quand vous les écrivez ? Comment les créez-vous ? comment les faites-vous vivre ?
J’aime penser, et c’est très naïf, qu’une fois qu’on a donné un peu d’élan à nos personnages, ils ont une autonomie propre. Donc j’essaie de faire en sorte, au moment où je les crée, de ne pas porter de jugement sur eux. Quand le lecteur lit le livre, il va s’attacher aux personnages sans se demander s’ils sont bons ou mauvais. Pour moi, créer un personnage c’est une façon de dire au lecteur : je vais vous donner un prétexte pour vous montrer à quel point tout est une question de perspective, de choix, de point de vue. J’ai eu des retours très différents sur le personnage de Thomas dans Le roi n’a pas sommeil : certains trouvaient que c’était un bon garçon, d’autres le trouvaient horrible. Pour moi, le personnage est un socle, un support qui me permet de développer certains thèmes.

Vous ne semblez créer que des personnages masculins. Êtes-vous inspirée par les personnages féminins ?
Ce que je vais dire est presque macho. Mais les personnages masculins sont beaucoup plus présents dans la littérature, et j’ai été plus influencée par eux. Le personnage de mon prochain roman est encore un personnage masculin. J’ai aussi très peur qu’en créant un personnage principal féminin, beaucoup de gens fassent un amalgame entre le personnage et moi. Et comme je ne veux pas qu’il y ait d’éléments autobiographiques dans mes livres, je choisis un homme. C’est pour moi une manière de prendre de la distance.

Comment écrivez-vous ? Est-ce que vous vous donnez des contraintes ?
J’écris quand j’en ai envie. J’écris un roman en trois mois au maximum. Je construis l’histoire dans ma tête, sans faire de brouillon. Et quand je pense que l’histoire tient la route, qu’elle a une vie propre, qu’elle est autonome, alors je l’écris pendant un mois, un mois et demi, à raison de deux ou trois heures par jour. Mais je n’ai pas de rituel ni de routine. Je ne me fixe pas d’objectif en termes de publication. J’écris quand ça me fait plaisir.

Avez-vous un premier lecteur privilégié ?
Pour mes tous premiers livres, il y avait ma famille. Et maintenant, c’est Viviane Hamy, mon éditrice.

Qui choisit les titres de vos romans ?
C’est moi. Je travaille beaucoup sur les titres de mes romans. Le titre dit en partie le thème, l’atmosphère. Le terreau de l’histoire est dans le titre. Le titre est très important pour moi car il y a des livres que j’ai voulu lire juste à cause de leur titre.

Quelle lectrice êtes-vous ?
Entre occasionnelle et compulsive. Régulière ? Je lis en moyenne deux livres par semaine. De tout : du roman, de la poésie, des essais… Tout m’intéresse.

Quel est votre premier souvenir de lecture ?
Mes parents me lisant des histoires. Les trois brigands, Le prince de Motordu. Ils m’avaient abonnée à une collection qui s’appelle Je lis des histoires vraies.

Quel est le lieu idéal pour lire ?
La terrasse d’un café.

Le moment idéal pour lire ?
Le matin entre 10 h et midi, c’est très agréable. Ou l’après-midi entre quatre et six.

Quel livre vous a fait rire ?
Thérapie de David Lodge.

Et pleurer ?
Shutter Island de Denis Lehane et La solitude du coureur de fond d’Alan Sillitoe.

Un livre qui vous a émue ?
Emily de Stewart O’Nan.

Quel livre auriez-vous aimé écrire ?
Alors là, c’est mon instant mégalomanie : A l’est d’Eden de Steinbeck, sans hésiter ! Courir de Jean Echenoz, et Tropisme de Nathalie Sarraute.

Si le livre avait une odeur ?
Le tabac froid ou l’agrume…

Propos recueillis par Florence

(Photo DR)

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