Entretien avec Brigitte Giraud

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Brigitte Giraud et une Liseuse ©Liseuses de Bordeaux

Samedi 4 avril. 19h. Escale du livre. Nous, Isa G., Bérengère et Laetitia avons rendez-vous avec Brigitte Giraud.

A vrai dire, j’étais un peu nerveuse. Aimer un livre ne coïncide pas forcément avec aimer son auteur. Mais comme toujours, le hasard fait bien les choses. Nous nous sommes installées dans le bar du TnBA avec pour seule lumière le jour déclinant. L’atmosphère était intimiste et parfaite pour parler du livre Avoir un corps avec son auteur, Brigitte Giraud.
Et la magie des rencontres opéra…

« C’est un livre qui parle de tout ce qu’on ne se dit pas, des non-dits qui sont dans les familles comme un poids énorme. Parler du corps c’est aussi une façon qui dit l’impossibilité de partager la parole. Il y a un moment où c’est le corps qui parle pour nous quand on a du mal à communiquer » nous confie-t-elle en premier lieu avant d’ajouter : « C’est beaucoup moi dans la sensation, dans la perception des choses mais tous les détails ne sont pas forcément vrais. »

Des liens avec l’écriture d’autres écrivains, et notamment Annie Ernaux, se font jour tout au long de la lecture. Brigitte Giraud nous confirme sa proximité avec cet auteur. Le lien avec elle se retrouve dans cette plongée au cœur du féminin qu’elle nous propose : « C’est un livre qui questionne les genres, qui pose la question des injonctions que nous impose la société dans son ensemble, que nous impose la mère, les parents, mais surtout la mère qui veut faire de sa fille une petite fille féminine. » Féminin, pas seulement, un soupçon de féminisme parcourt aussi l’échine de l’auteur tout au long de l’écriture du livre qui se prolonge par un hommage à l’homme : « Pour moi c’est surtout un grand hommage aux hommes, au corps masculin. Le désir de la femme est dirigé vers le corps de l’autre, le corps de ce garçon qu’elle a tellement aimé. La naissance du désir, elle se fait au moment où le corps des garçons apparaît. Ce qui m’intéresse le plus, ce qui me fascine, c’est vraiment la question du masculin, de la virilité et la fragilité. C’est même une grande source d’inspiration. »
Qui a dit que les femmes féministes n’étaient pas des amoureuses et ne pouvaient voir la beauté en l’homme, en l’amour ?

Nous revenons ensuite à l’écriture proprement dit. Brigitte Giraud souhaitait « mettre une distance avec l’écriture » :  « Je ne voulais pas que ce je soit plaqué à moi. Le livre est écrit à la première personne mais c’est un je universel. » Pour elle, prendre une distance extrême était important : « Je voulais être dans une justesse absolue. Il ne s’agit pas d’être dans un cliché (lorsque je parle de la femme enceinte et sa sexualité). Le corps chamboulé par la grossesse va reprendre sa place à un moment, alors qu’il est devenu autre. Ça m’a beaucoup intéressée cette écriture du corps qui va se donner à nouveau à son amoureux, qui va être disponible à nouveau pour faire l’amour mais avec la différence qu’il y a la présence de l’enfant dans la maison. »

Ce corps alors serait-il finalement plus une contrainte qu’un plaisir ? « Ce livre c’est aussi un combat, c’est peut-être pour cela que le livre donne l’idée du corps qui parfois se sent trahi, se sent dépossédé ou possédé. La cinquième partie fait basculer le livre vers quelque chose de douloureux. Le corps n’est pas une contrainte mais il est empêché. C’est plutôt un bonheur d’avoir un corps qui est capable de vous retransmettre les sensations qui viennent de l’extérieur ou de l’intérieur », nous répond l’écrivain.

D’ailleurs, le titre, Avoir un corps, suit cette idée : « Il y a une différence entre être un corps et avoir un corps. Avoir un corps car ce corps il faut se l’approprier, l’apprivoiser, le faire sien. Les moments où l’on est dans la douleur ou le plaisir, on ne pense plus, on devient complètement un corps. »

Au départ le projet était d’écrire un livre qui mettait bout à bout toutes les premières fois auxquelles on est confronté dans l’existence : la première fois qu’on a de la fièvre, la première fois qu’on prend sa douche toute seule… Or toutes ces premières fois avaient un dénominateur commun, c’est le corps. Le rapport au toucher, la première fois qu’un garçon vous embrasse, la sensation de la peau … c’est un rapport au corps. »

Enfin, Brigitte Giraud a bien voulu se prêter au jeu du question-réponse sur son profil de lectrice :

Quelle lectrice êtes-vous ?

Désordonnée

Quel est votre premier souvenir de lecture ?

Le clan des 7 d’Enid Blyton

Si la lecture avait une odeur ?

De forêt

Et l’écriture ?

Une odeur sous-marine, salée…

Le moment parfait pour lire ?

Dans le train

Le lieu idéal ?

Dans mon lit à côté de quelqu’un qui lit

Qu’est ce qui vous fait choisir un livre ?

Souvent le titre

Est-ce que la lecture vous a déjà mise en colère ?

Oui ! Oui! Oui ! Oui ! : il y a tellement de choses pas bonnes qui sont publiées.

Un livre qui vous a fait rire ?

Philippe Jaenada : tous ses livres

Le livre que vous relisez ?

Pluie de Kirsty Gunn. J’aurais adoré l’écrire.

Celui que vous auriez aimé écrire ?

Pluie de Kirsty Gunn

Sarinagara de Philippe Forrest

Propos recueillis par Babeth, Laetitia et Berengère

2 réflexions sur “Entretien avec Brigitte Giraud

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